La Zone d’intérêt, un film de Jonathan Glazer
Grand Prix du Festival de Cannes 2023, le dernier opus du réalisateur britannique Jonathan Glazer est aussi dur à voir qu’indispensable au devoir de mémoire.
Il s’agit ici de l’adaptation du roman éponyme signé par le Britannique Martin Amis (1949-2023). Où il est question de l’officier supérieur SS Rudolf Höss (1901-1947), commandant du camp de concentration et centre d’extermination d’Auschwitz. Avec sa famille, son épouse Hedwig et leurs nombreux enfants, ils mènent une vie de rêve dans la magnifique villa mitoyenne avec le camp de concentration. Garden party autour de la piscine au milieu d’un jardin superbement fleuri et entretenu, fêtes familiales, repas de gala où se consomment les mets les plus fins et les vins les plus prestigieux se déroulent à quelques mètres des chambres à gaz et des fours crématoires. De ces lieux d’extermination, le film ne montre que peu de choses : miradors, cheminées, fumées. Cela suffirait en fait. Mais la bande-son dans laquelle se mêlent cris, hurlements, grincements, ronronnements infernaux et coups de feu sont aussi les témoins tétanisants des massacres en train de se dérouler. L’imagination se charge de la suite…
Bien sûr vous ne sortirez pas indemne d’un tel film. Il vous hantera longtemps tout comme cette période de l’Histoire soi-disant humaine (1939-1945) qui a vu se commettre l’irréparable impossible ! Et pourtant… En nous plongeant dans la vie intime de cet officier nous percevons, à défaut de le comprendre, tout le détachement de cet homme par rapport à ses actes. Non seulement il obéissait aveuglément mais en plus il faisait preuve de zèle en augmentant considérablement la puissance d’élimination du camp. L’Histoire nous dit qu’après la capitulation allemande, il réussit à s’enfuir avec sa famille. Capturée, sa femme, sous une forte pression, finit par dénoncer sa planque. Fait prisonnier et jugé, il sera pendu en 1947.
Glaçant dans le fond, ce film l’est tout autant dans sa forme. Faisant l’économie volontaire de toute complaisance artistique ou esthétique, il tient du documentaire dont il recèle toute la froideur structurelle mais aussi l’impact immédiat des images et des sous-entendus qu’elles suggèrent.
Les acteurs, notamment Christian Friedel (Rudolf Höss) et Sandra Hüller (Hedwig Höss), tous deux allemands, ont eu du mal à accepter de tourner ce film. Ils l’ont fait malgré tout avec un professionnalisme louable, participant ainsi au maintien de cette vérité que certains cercles négationnistes tentent de nier. Notons que des actions pédagogiques autour de ce film sont réalisées par des professeurs avec leurs élèves de Terminale.