L’Heure Bleue : curiosité attisée, places réservées, papilles exaltées, gastronomie à son apogée. Rencontrer, s’étonner, discuter, échanger, partager. Une expérience brute, une explosion de sens, un concept créateur de souvenirs, créé à Toulouse, signé Constance et Inès.
En France, manger est une fête, manger est un art, et pour vue qu’il n’y ait pas de sujets fâcheux lancés au beau milieu du repas, manger crée des souvenirs. Le matin, à midi et le soir, des dizaines de millions de Français décident, à la même heure, de se réunir autour d’une table pour partager un repas. En famille ou entre amis, prendre le temps de bien se nourrir fait partie intégrante de notre culture et de notre conception de la qualité de vie. Mais avec le travail, les téléphones portables, la télévision allumée pendant le repas, on oublie parfois un rôle essentiel de ces moments : celui d’un temps de socialisation et de convivialité. Il faut le dire : seuls, les repas ont moins d’intérêt.
C’est ici que repose une partie du concept de l’Heure Bleue. Au-delà d’un menu réalisé sans gaz ni électricité, dans un restaurant éclairé aux bougies, dans un contexte actuel où les prix de l’énergie s’enflamment; Constance et Inès proposent un véritable moment de partage, où les convives prennent le temps de savourer le repas, et de discuter. En collaborant avec des établissements et chefs toulousains, elles redonnent le plaisir de manger, rencontrer, découvrir. Entrevue avec ces deux passionnées par l’art culinaire et du bien manger.
Constance, tu as 27 ans et tu es photographe styliste culinaire à ton compte depuis maintenant deux ans. Inès, tu as 29 ans et tu évolues sous la profession de juriste en Droits des Étrangers et Droits d’Asile depuis deux ans et demi. Deux univers que tout oppose mais qui laissent entrevoir une faille commune : votre amour pour la bonne nourriture. Racontez-nous comment est née L’Heure Bleue.
Constance : Nous nous sommes rencontrées en 2021, par une amie commune, qui nous a très vite fait voyager ensemble. Pas n’importe où, nous sommes parties une semaine en Italie. Autant te dire qu’on se nourrissait exclusivement de gluten matin, midi et soir (rires complices). Sur place, nous avons pris le temps de rencontrer et d’échanger avec des restaurateurs du coin. Nous nous sommes régalées. Inès avait encore de la place à la fin du séjour, moi j’étais en PLS !
Inès : À l’issue de ce voyage il n’y avait plus de doute. Il a confirmé, vérifié, notre même passion pour la nourriture et le goût du partage. Il aura fallu attendre un soir d’été, en août 2022, alors qu’on prenait toutes les deux l’apéro sur la terrasse de Campagne, pour que Constance enclenche l’idée. De mon côté, je réfléchissais déjà depuis plusieurs semaines à un projet en commun. En quelques secondes, elle a concrétisé mes pensées.
Seulement quelques mois après, le 5 mars 2023, vous annoncez votre première édition, au restaurant Les Passionnés, deux semaines plus tard. Comment les étapes se sont profilées, de cette soirée chez Campagne, au moment d’accueillir vos premiers clients ?
Constance : Nous voulions qu’en fin d’année 2022, nous ayons commencé à entamer les démarches avec des restos. On avait chacune des impératifs mais l’envie que ça devienne concret était vraiment excitant. Au mois de novembre, nous avons fait appel à une amie graphiste, Morgane Siau, pour créer notre identité visuelle. On s’est inspiré de l’univers des brasseries italiennes, colorées juste ce qu’il faut, avec de jolies illustrations. À partir de cette étape, c’est devenu réel. En décembre, les premiers restaurants étaient contactés, vous connaissez la suite !
Voici le concept : une expérience culinaire dans un restaurant au cadre intimiste, avec un banquet éclairé à la bougie, et un menu unique réalisé spécialement pour l’occasion, sans électricité, ni gaz. Comment choisissez-vous les restaurants avec qui collaborer ?
Inès : On prend en compte la taille de la salle, il faut qu’on puisse réaménager l’espace pour créer des grandes tablées; il faut que le restaurant puisse proposer un accord mets et vins qualitatif donc on privilégie les établissements dont on aime la cuisine et qui ont une jolie proposition au niveau des vins. C’est vrai que lorsqu’on présente un projet qui n’a pas encore été testé, c’est difficile pour un chef de se projeter. Surtout qu’on arrive avec beaucoup de contraintes, assez importantes : éteindre le courant dans le restaurant et changer les dispositions. On a eu du mal à avoir notre premier oui.
Constance : C’est Paul, le chef des Passionnés qui nous a fait confiance en premier, dès le début. Un restaurant qu’on connaissait déjà toutes les deux, on y était déjà allées, on connaissait leur cuisine, les lieux. C’est d’ailleurs un principe pour nous, on réalise toutes nos éditions dans des restaurants dans lesquels nous avons déjà mangé. On ne prend pas la décision d’emmener les gens dans un endroit qu’on ne connaît pas. Le côté humain est aussi assez important dans nos démarches. C’est une rencontre, une collaboration. On part du principe qu’il faut que ce soit du plaisir pour chacun.
Comment ces établissements s’accordent-ils à ce concept ?
Constance : On sait que ça peut être parfois difficile de s’adapter, on ne va pas en plus ajouter des contraintes sur l’élaboration des menus. Les chefs ont carte blanche. Ce qui nous plaît c’est de les voir se faire plaisir. On leur vend sous forme : le menu que vous n’osiez pas sortir parce qu’il est risqué ou pour n’importe quelle autre raison, le moment est venu de le faire ! C’est un de nos moment préférés, la découverte des menus en avant première.
Inès : Ils s’accommodent au concept via plusieurs techniques très cools ! Forcément, ce qui ressort le plus c’est la flamme, avec le barbecue par exemple; mais on a aussi eu des techniques type fermentation, du cru, de l’exothermie. C’est le chef de la Mifa qui a enclenché cette méthode. Il est monté en salle pour expliquer aux clients le procédé. On est toujours curieux de savoir ce qu’il se passe en coulisse ! Sur toutes nos éditions, ils se sont très bien appropriés le concept. C’est toujours un challenge pour eux. Quand ils jouent le jeu jusqu’au bout, ils éteignent aussi les lumières en cuisine. On a eu un cas où ils travaillaient à la lampe frontale, un autre éclairés à la bougie. C’est amusant des deux côtés.
Un moment convivial donc pour vous, pour les équipes des restaurants, mais aussi pour les clients. Pouvez-vous nous expliquer le principe des grandes tablées ?
Inès : On a créé un événement auquel nous aurions aimé participer si on l’avait vu passé. Toutes les deux, on se rejoint sur le fait qu’on aime rencontrer de nouvelles personnes, c’est pour cette raison qu’on l’a retranscrit dans ce projet : installer les convives à la même table et pour qu’ils puissent repartir et se dire “tiens trop bien ce soir on a fait des belles nouvelles rencontres”. Dans l’idéal on aimerait faire qu’une seule et grande tablée par restaurant, seulement ce n’est pas toujours possible en fonction de la disposition de la salle.
Constance : Et puis concrètement, même si on fait trois grandes tables de 10 personnes, on va se retrouver à discuter avec les personnes en face et à côté de nous. L’expérience peut fonctionner sur une table de 8 minimum. L’idée principale est de changer l’expérience très individualiste du resto. Que les personnes puissent revenir d’une édition à une autre, en vivant un moment totalement différent. Même si vous faîtes toutes les Heures Bleues, l’expérience sera unique à chaque fois.
Et vous, vous profitez du moment avec les clients ?
Constance : On passe toujours un bon moment, on est là pour présenter le concept, accueillir les convives et répondre aux questions. Ce sont aussi des rencontres pour nous ! On s’assure que tout se déroule bien et on prend des photos pour immortaliser la soirée.
En parlant de bougies, elles viennent d’où les vôtres ?
Constance : Nous n’avons pas encore de fournisseurs précis. D’ailleurs, petit appel à candidature ! Si vous êtes cirier sur la région, contactez-nous ! Nous collaborons déjà avec la fleuriste Malcie de La Belle Saison aux Carmes. Elle nous prépare des bouquets que nous disposons sur la table. Il y a des détails importants pour nous qu’on aime cocher : on apporte un cadeau personnalisé et une carte écrite à la main à chaque participant. On a envie que les gens repartent avec un vrai souvenir de la soirée.
Vous en êtes à votre 8ème édition, ce mardi 21 novembre 2023, chez Fogo. Quel bilan tirez-vous de ce début de chemin parcouru ?
Constance : On a rapidement compris que les éditions en petit comité marchaient mieux. Une quinzaine de personnes, c’est parfait. Il y a vraiment ce sentiment de privatisation du lieu. Les gens se parlent plus, la magie opère.
Parlons de l’essence même de ce concept, parlons nourriture. Racontez-nous votre amour pour la gastronomie.
Ines : Je viens d’une famille de bons vivants. On aime manger, bien manger, en utilisant des bons produits. Inévitablement, quand on grandit avec tout ça, on le poursuit plus grand. Petite, je ne regardais pas la carte du menu enfant au restaurant avec mes parents, ça ne m’intéressait pas les steak frites habituels. Au même âge je m’imaginais déjà ouvrir un restaurant ! J’aime cuisiner, c’est toujours resté dans un coin de ma tête.
Constance : Typiquement, quand on rentre de voyage, les souvenirs qu’on ramène c’est fatalement de la nourriture ! (rires) Moi j’ai eu deux grands-mères qui ont beaucoup cuisiné, avec une culture gastronomique très différente, et je crois que je me suis vraiment nourri de ça, dans tous les sens du terme ! À tel point que je me suis réorientée, c’était une évidence depuis toujours, je m’en suis rendue compte. J’aime trop les moments qui résultent d’un repas, les poulets du dimanche en famille ou le brunch avec les copains. On est toujours 12 à table, c’est du partage.
Inès : Je précise qu’on a rencontré les familles respectives de chacune à l’occasion de grand repas !
Juste le temps de terminer de siroter son verre que le travail nous rattrape. Il faut dire que les deux Toulousaines préparent, pour les 1 an de L’Heure Bleue, un concept différent, mais on est sûr, tout aussi alléchant. Mais avant ça, il y a l’édition de décembre à fignoler, de quoi donner des idées de cadeaux à mettre sous le sapin !
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Et en gardant en tête, des rêves plus grands… Pourquoi L’Heure Bleue ne franchirait pas les frontières occitanes ?