« Manchester, so much to answer for » chantait Morrissey dans « Suffer Little Children » sur le premier album des Smiths. Comme sa rivale voisine Liverpool, Manchester était un des phares de la musique anglaise. Bien avant Madchester et sa folie baggy-psychédélico-house (avec les Happy Mondays, Stone Roses, Charlatans, Inspiral Carpets – lire sur cette époque l’excellent témoignage Passeur de Jean-Daniel Beauvallet, qui vécut à Whalley Range, celui de « Miserable Lie »), avant même la vague indie des Smiths et James, il y eut une première vague post-punk et new-wave.
Fin des années 1970, grenouille à Manchester toute une scène underground où l’on croise aussi bien Vini Reilly (futur Durutti Column), Mick Hucknall (pas encore chanteur de Simply Red), Sinead O’Connor, Mark E. Smith (The Fall), Bill Duffy (The Cult), Mike Joyce (alors dans The Hoax, avant de rejoindre plus tard les Smiths à la batterie) ou les futurs Joy Division et New Order (qui s’appelèrent d’abord Varsaw – toujours ce goût pour les noms légers !).
Cherry Red publie une compilation (1976-1981) qui montre ce bouillonnement musical mancunien qui prit, comme toujours dans les grandes villes d’alors (de Londres à Paris, de New-York à Manchester), des formes assez différentes : punk 1977 (qu’on pouvait entendre aussi à New-York avec Patti Smith, Television ou Richard Hell), influence des Sex Pistols (alors modèles absolus et véritable bombe provocatrice pour l’époque), post-punk, rock növö (ici Spherical Objects, Foreign Press ou Gyro, quelque part entre Devo, Talking Heads, Rezillos et Josef K), new-wave, et même power pop (Salford Jets, Freshies) ou mods (Direct Hits). Tout n’est pas bon, certes, et il y a un côté archéologie musicale puisque y figurent les différents acteurs musicaux de l’époque – et on comprend parfois très bien pourquoi certains ont été oubliés !
Les morceaux les plus intéressants émanent de groupes devenus cultes, comme Joy Division, Buzzcocks, Durutti Column, Magazine, New Order (ici avec l’hypnotique « Everything’s Gone Green », leur premier morceau utilisant un séquenceur)… Il y a aussi un morceau sorti en 1980 par le célèbre producteur Martin Hannett, apparemment moins doué pour la composition que pour la production avec Joy Division, New Order, OMD, Orchestre Rouge (sur leur fabuleux premier album Yellow Laughter), Magazine, Psychedelic Furs…
On notera enfin avec amusement ce goût pour les noms de groupes alambiqués et neurasthéniques, à la limite du ridicule, comme Crispy Ambulance, Accident On The East Lancs, Bathroom Renovations ou Frantic Elevators (le groupe de Mick Hucknall, à des années-lumière de la soul gentille de Simply Red, qui chante… le Bossu de Notre-Dame !)
> Compilation 3 CD Keeping Control (Cherry Red)