C’est ainsi que s’adresse à nous Christophe Ghristi, Directeur artistique de l’Opéra national du Capitole de Toulouse, lui qui déborde d’une passion folle pour LA VOIX. Il nous engage, tous, à nous dévouer, corps et âme à ce qui l’occupe et le préoccupe, la voix, et évidemment la musique, toutes les musiques qui l’accompagnent. En avant donc pour la prochaine saison, débarrassée, on le souhaite ardemment, de toutes séquelles et contrariétés environnementales.
Tout d’abord, prenons acte de la nouvelle désignation de notre cher Théâtre. Il apparaît le qualificatif de national. C’est une référence affichée. Et certains de s’étonner qu’elle n’arrive que maintenant. On ne discutera pas ici du pourquoi. Disons simplement qu’au vu du travail et de l’investissement des travailleuses et des travailleurs à l’œuvre auparavant, elle aurait pu se signaler plus tôt. Passons. Les responsables de la sentence n’ont pas obligatoirement le répondant aussi performant que ceux sur le terrain. Il n’empêche qu’elle était, la référence, ces derniers temps, devenue incontournable. Les réussites s’alignent dans la maison, et à tous les étages. Longue vie donc à l’Opéra National du Capitole de Toulouse.
La brochure de la saison prochaine est là qui vous attend. On peut la comparer à ce qu’elle était il y a trente ans, c’est à dire inexistante. Il faudra consulter celle-ci avec grande attention. Et si nous n’avons plus des programmations dans ce Théâtre aussi conséquentes en titres d’opéras et opérettes que durant les années cinquante, la diversité est tout de même au rendez-vous, pour un établissement, de plus, ouvert à tous. Le Théâtre n’est plus le sanctuaire de la voix mais plutôt son feu d’artifice. Avec la trilogie chant – musique – théâtre au firmament, complétée avec bonheur du volet danse.
Premier aperçu, en attendant un complément pour traiter des Ballets, Récitals et Concerts. Disons-le d’emblée, le programme des récitals est digne d’une maison d’opéras de capitale. C’est vrai que cette saison n’est pas terminée qu’on s’excite déjà sur la suivante ! Question lyrique, il faut du répertoire, dit incontournable. Pour certains, ce sera du rabâché. Ils oublient que s’ils ont déjà entendu dix productions de La Traviata, certains spectateurs peuvent l’ignorer encore. Les raisons en sont multiples. Et c’est bien pour cela qu’il y aura à l’affiche, courant avril, une Traviata, avec même avec deux distributions. La découverte pour certains, de l’œuvre, et pour d’autres, de nouvelles voix qu’ils s’empresseront d’aller écouter. C’est la dernière production qui revient avec le magnifique travail d’ensemble de Frank Sorbier, Antoine Fontaine, Joël Fabing et du regretté Pierre Rambert. Rappelons qu’elle avait affiché COMPLET pour toutes les représentations.
En incontournable, on peut citer aussi La Bohème de Puccini, le compositeur qui adore faire verser des larmes, et des larmes. Œuvre qui se signalera par, là encore, deux distributions dans une nouvelle production. C’est courant novembre et décembre. Attention, les voix qui participent sont, si je peux me permettre, de première cuvée. Ce sont essentiellement de jeunes chanteurs français familiers de la scène ‘capitoline“ et fréquentant de plus en plus d’autres scènes lyriques réputées et même très réputées. Les choix des intervenants faits par Christophe Ghristi ont été plus que validés sur les saisons passées et nous lui faisons maintenant une confiance aveugle ! N’a-t-on pas eu à se féliciter d’une Marina Rebeka dans Norma ? Sophie Koch dans Parsifal ? Stéphane Degout dans Wozzeck ? Beermann au pupitre pour Elektra ? Stop. Vannina Santoni, Anaïs Constans et leurs amoureux passionnés, Kévin Amiel, Azer Zada sauront stimuler votre système lacrymal, et votre enthousiasme. Vous saurez alors remercier le chef Lorenzo Passerini et ses musiciens et Puccini.
Dans la même série d’ouvrages incontournables, on peut glisser Les Noces de Figaro de Mozart qui vient enfin à l’affiche, courant janvier, après un long report Covid. Dans la distrib’, on remarque plusieurs titulaires dans ce que l’on peut dénommer maintenant avec son Directeur la “troupe virtuelle“ du Théâtre du Capitole. Citons quelques noms comme Karine Deshayes, Anaïs Constans, Julien Véronèse, Éléonore Pancrazi, Emiliano Gonzales Toro. Nous devons nous habituer à la lecture de ces patronymes sur les affiches. Et ce, avec grand bonheur. Et nous sommes impatients de retrouver dans la fosse nos musiciens dirigés pour la première fois par Hervé Niquet. C’est une coproduction avec Marco Arturo Marelli à la mise en scène et scénographie.
Il faut aussi des découvertes et ce sera, courant octobre, une ouverture de saison avec un opéra jamais arrivé jusqu’au Capitole depuis sa création en 1901 à Prague, époque inouïe d’apparitions de nouveaux ouvrages dans les théâtres lyriques. En l’occurrence Rusalka d’Antonín Dvorák, conte lyrique en trois actes dans une nouvelle coproduction avec l’Opéra de Tel-Aviv. Dirigeant cette entrée au répertoire, il fallait un musicien de toute confiance. Et quand on lit, Frank Beermann, nous voilà comblés. Il fut, enthousiasmant dans Parsifal et Elektra, surprenant dans La Flûte enchantée. De même, pour le nom de Stefano Poda. Qui a pu oublier sa mise en scène et décors et costumes dans l’Ariane et Barbe-Bleue de Paul Dukas ? car l’artiste s’occupe de tout, en effet. C’est sa façon de travailler afin de rendre aux opéras toute leur rigoureuse unité esthétique et conceptuelle.
On signale tout de suite la rubrique Autour de l’œuvre qui vous informe comme son intitulé vous le suggère, par exemple ici pour Rusalka, un Prélude, un Week-end découverte Dvorak, une Conférence-Entretien et une Rencontre ici avec le metteur en scène. On s’instruit aussi en plus de ravir nos oreilles ! Autour de l’œuvre, c’est pour chaque ouvrage.
Le CLOU de la saison, je dis bien le clou et non pas le rocher, courant mars, c’est bien Richard Wagner qui l’enfonce avec son histoire d’amour infernalement immarcescible. Ceux qui ont assisté à Parsifal il y a deux ans, se précipiteront à Tristan et Isolde. Le chef ne peut être que Frank Beermann. La mise en scène de Nicolas Joël est toujours d’actualité et confiée pour sa reprise à Émilie Delbée, responsable de la dernière Norma il y a trois ans. La distribution, brillante, est en même temps une prise de risque pour les trois principaux protagonistes, à savoir Sophie Koch en Isolde, Nikolai Schukoff en Tristan et Matthias Goerne en roi Marke. On rajoute, venant de Klingsor dans le Parsifal encore, Kurwenal interprété par Pierre-Yves Pruvot. Quatre représentations, pas une de plus. Certains viendront de loin, de très loin.
Benjamin Britten fait maintenant partie des compositeurs d’opéras présents sur nombre de programmation de saisons d’opéras. Le Théâtre du Capitole en a donné plusieurs. Il manque encore Le Viol de Lucrèce, mis en quarantaine deux ans pour raison sanitaire. Ce sera chose faite courant mai 2023. Il apparaît comme l’un de ses drames les plus forts et les plus perturbants. C’est un opéra de chambre en deux actes, à la fois intimiste et d’une radicale violence, donné pour la première fois en nos murs. C’est un écrin extraordinaire pour des chanteurs-acteurs. La mise en scène, fort délicate, est confiée à Anne Delblée. On se souvient de son travail pour celle de Norma. Importance ici des chœurs confiés, pour le Chœur féminin à Marie-Laure Garnier (irrésistible Junon dans Platée !) et pour le Chœur masculin, il est le drame à lui seul, à Cyrille Dubois.
Une création contemporaine : En collaboration avec le Théâtre Garonne, et sur la scène de ce dernier, le Théâtre du Capitole présente en février 2023 une œuvre contemporaine, Dafné du compositeur autrichien Wolfgang Mitterer. Elle sera créée le 29 septembre 2022 à Paris à l’Athénée Théâtre Louis Jouvet. Mittere n’hésite pas à puiser dans les textes les plus divers comme ici avec cette œuvre écrite sur un livret vieux de bientôt quatre siècles du poète baroque Martin Opitz. En son temps, Heinrich Schütz avait composé une pastorale dont la partition a brûlé. Mitterer va retravailler la matière musicale en s’en inspirant tout en se jouant des techniques modernes les plus dissemblables, musique électroacoustique, électronique. Il a écrit un opéra pour douze chanteurs, ceux de l’ensemble Les Cris de Paris. Geoffroy Jourdain et Aurélien Bory se sont emparés de la conception. Le premier est à la direction musicale, le second avec sa compagnie 111 est à la mise en scène et scénographie.
La saison ne peut s’achever fin juin, que brillamment avec Mefistofele d’Arrigo Boïto. Encore une adaptation du fameux Faust de Gœthe, mais du Faust en entier. Un ensemble bien complexe, donné en italien au Capitole, une vaste fresque tragico-comique, où s’installe émotion et démesure, dans lequel le rôle principal est primordial. La basse Nicolas Courjal relève le gant, aidé en cela par le ténor Jean-François Borras en Faust et la Margherita d’une inconnue encore sur notre scène, Chiara Isotton, inconnue ici mais déjà soprano au firmament en Tosca, Elizabeth de Valois, Lady Macbeth à la Scala et ailleurs. C’est une nouvelle production venant de l’Opéra de Monte-Carlo, dans une mise en scène de son Directeur Jean-Louis Grinda, à qui nous devons celle de la dernière Carmen. Les Chœurs du Capitole seront à la fête car Arrigo Boïto n’a pas ménagé son écriture en tant que librettiste de génie, librettiste à qui Verdi doit pas mal de ses réussites dont ses deux derniers opéras, Othello et Falstaff. Et on n’oublie pas La Gioconda qui a fait notre dernière ouverture de saison.
En attendant donc le deuxième volet qui ne saurait tarder. Ne pas perdre de temps car, notre cher Théâtre n’a pas une capacité d’accueil comme le Metropolitan, ou La Scala ou le Mariinsky ou Bastille mais il s’y déroule de grands moments. La preuve……