Constance (Diane Rouxel) est agricultrice dans l’exploitation de son père (Olivier Gourmet) avec son fiancé Bruno (Finnegan Oldfield). Pour sauver le domaine familial proche de la faillite, le jeune couple décide de l’acquérir et de le moderniser. Afin de mettre toutes les chances de leur côté, Constance sollicite la bienveillance de Sylvain (Jalil Lespert), agriculteur influent de la région qui siège à la commission chargée d’examiner son dossier. Soulagée que cet allié de poids s’enthousiasme de son projet, Constance ne peut imaginer qu’il agisse pour des raisons moins avouables…
Après son premier long-métrage La Marcheuse (2016) qui suivait déjà une mère chinoise qui luttait pour survivre en se prostituant, c’est dans un milieu éminemment masculin que le réalisateur Naël Marandin aborde, sous différents aspects, le thème de la domination. Si la relation entre Sylvain et Constance est claire et ne souffre d’aucune ambiguïté sur les intentions des deux personnages, je choisis, volontairement, de ne pas en dire plus car cela fait aussi partie intégrante de ce que vit Constance. Le réalisateur confie
Selon moi, si Constance avait eu la possibilité de raconter le lendemain ce qu’elle venait de subir, elle aurait dit : « il s’est passé quelque chose de bizarre avec Sylvain… »
et cela se confirme à l’écran.
Face aux grands exploitants qui se partagent la terre mais aussi le pouvoir, Constance semble bien seule. Les difficultés de cette jeune agriculture et de sa famille représentent l’opportunité pour eux de s’agrandir à moindre coût, et pour Sylvain de profiter de son ascendant sur elle. Père de famille aimant, charismatique et apprécié de tous ses collègues, pourquoi douter de cet homme en apparence admirable ? Emportée par des enjeux qui la dépassent et pourtant la frappent de plein fouet, Constance se mure dans son silence, continue à faire bonne figure et à aller de l’avant avec toute la force de sa détermination.
La Terre de hommes, filmé entièrement du point de vue de Constance, magnifie par des longs plans-séquences le tiraillement qui l’assaille progressivement : continuer à se taire ou parler ? Diane Rouxel incarne avec une grande justesse ce portrait de femme forte, luttant pour ses valeurs dans un monde d’hommes. Cadrée au plus près, l’actrice porte le film, grâce à la subtilité de son interprétation et le travail du corps, permettant ainsi une économie de dialogue. La musique de Maxence Dussère, se fait souvent voix intérieure de la protagoniste, sans pour autant surligner le propos. Cela serait une erreur de minimiser le travail des acteurs masculins Finnegan Oldfield, Jalil Lespert et Olivier Gourmet, eux aussi très convaincants dans ce long-métrage à l’écriture soignée et à la mise en scène d’une grande efficacité.
La Terre des hommes, de Naël Marandin, France, 2019, 1h39, en salles le 25 aout 2021
avec Diane Rouxel, Finnegan Oldfield, Jalil Lespert, Olivier Gourmet…
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