Bilan succint : on ne peut que saluer la performance. Elle est due à son Directeur artistique, Christophe Ghristi, qui a su persuader toutes les forces vives du Théâtre que, sans leur aide, l’aventure ne pourrait se révéler gagnante pour tous.
Déjà, on avait applaudi au succès récent de La Walkyrie. On tremblait, bien sûr, quand il se murmurait qu’un Parsifal se dessinait. Car Parsifal dans une programmation, c’est le Graal, quand c’est réussi !! L’œuvre, multipolaire, brasse tellement de concepts divers tout au long d’un flot musical tel, avec ce chant si particulier, que la conjonction musique, chant, théâtre se doit d’être impitoyable dans sa réalisation . Et là, même si le vase est resté virtuel pour certains, il a débordé “carrément “ d’enthousiasme.
La faute à qui ?
D’abord, comme à la pêche, une prise de choix avec Frank Beermann. Ce chef a subjugué les troupes, et paraît-il, à 100% les occupants de la fosse. Et tout le plateau vocal, et le metteur en scène, Aurélien Bory. Il joue son rôle pleinement d’acteur invisible de scène. Dans la salle, pour nous, “c’était plié “ dès les premières mesures du Prélude qui préfigurait un Enchantement total. Les responsables de cette réussite ont dû faire leur, ces quelques lignes de Richard Wagner : « La plupart des indications scéniques n’apparaissent dans la partition qu’avec les passages musicaux qui s’y rapportent, et jamais auparavant ; par conséquent le metteur en scène devra, avec l’aide du chef d’orchestre, étudier le passage jusqu’à ce qu’il le possède exactement par cœur. » Impératif qui ne nécessite pas trente-six exemples pour illustrer si on se réfère ne serait-ce qu’à ce bref instant où, espace scénique-espace orchestral, on est au début de l’acte III, quand Gurnemanz et Kundry voient arriver, épuisé, en armure, Parsifal. Comment, et à quel instant précis, le propre thème de ce dernier s’élève à l’orchestre, glorieux, prophétique avec ce timing inouï tout au long de la phrase de Gurnemanz : « Comme l’annonça la promesse, je bénis cette tête, donc, pour en toi saluer ici notre Roi. »
Inutile ici de revenir sur tout, mais le Gurnemanz de Peter Rose nous a tellement séduit par son chant, ce timbre si humain, cette façon de sculpter chaque mot. L’Amfortas de Matthias Goerne fut une leçon de chant wagnérien, si expressif, ce soin du sens et du poids de chaque mot dans ce rôle christique et douloureux rendant le personnage plein de relief et pitoyable à la fois. N’est pas en reste Julien Véronèse qui, dans le rôle plus discret de Titurel, cet autre agonisant sans fin, et dont la voix, dit le livret semble “sortir du tombeau“.
Et que dire du Parsifal de Nikolai Schukoff, un rôle qui semble écrit pour lui. De sa voix, jeune, ardente, et du personnage fort bien et intelligemment campé dans les trois actes, j’en ai déjà tout dit, mais, rien que pour se faire plaisir, je répèterai que les aigus furent rayonnants et maîtrisés. Le suivre dans chaque acte est évident, un vrai Parsifal. Qui a trouvé sa Kundry, et quelle Kundry !! Sophie Koch a tracé son personnage en atteignant des sommets de chant et d’expression en cinq représentations. À des titres différents, démoniaque, “effroyablement belle“, elle s’offre comme un Double de tous les personnages, Amfortas, Klingsor, Parsifal, Gurnemanz. Leur dernier duo le 4 octobre nous a laissés “cloués“ (dommage que tous les spectateurs n’aient pu visualiser le fameux triangle noir au sol). En une production, elle est LA Kundry de cette ère nouvelle.
On loue encore le travail de tous les choristes, de leur entrée et sortie d’une fluidité parfaite grâce à Aurélien Bory, le travail en coulisses qui rend ce spectacle scéniquement sans reproches, et, doit-on le redire, l’ensemble du plateau vocal “monté“ par Christophe Ghristi qui, jusqu’aux Filles-Fleurs, parfaites d’ensemble, a trouvé un Klingsor incisif à souhait en la personne de Pierre-Yves Pruvot. Certains s’étant étonnés de la nature du chant de l’intéressé, juste une précision : « Il s’agit d’une altercation furieuse entre un un homme et une femme ; ce sont des glapissements plus que du chant, bref, c’est le plus affreux des dialogues que Wagner ait jamais écrit. » Wieland Wagner. Pour les mêmes connaisseurs, quant à Kundry, dans son animalité essentielle, ce sont bien des cris !!! des cris de bêtes ; elle doit…crier !! mais, quels cris !!!
Depuis ce début de saison, la barre est placée très haut. Après le Norma et ses deux Norma ! après le Dialogue des Carmélites, après l’Orfeo, après ce Parsifal, nous voilà sereins pour la suite de la saison. Mais, attention, Monsieur le Directeur, la foule réclame pour les saisons à venir d’autres Wagner !! C’est la rançon du succès……
On peut relire mes deux textes d’annonce, mais aussi mon compte-rendu, ainsi que celui d’Hubert Stoecklin.
Théâtre du Capitole