Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
Assurance sur la mort de Billy Wilder
Dès la première scène, tout est dit. Un homme, grièvement blessé par balle, se confesse en enregistrant au dictaphone le récit du meurtre qu’il a commis. Il s’agit de Walter Neff, agent d’assurances, qui étant tombé amoureux de la femme de l’un de ses clients, Phyllis Dietrichson, a entrepris, avec la complicité de cette dernière, de tuer le mari en maquillant l’assassinat en accident afin de doubler le montant de la prime d’assurance. Le crime était presque parfait, mais c’était sans compter sur la sagacité de Barton Keys, le supérieur de Neff.
En dépit de ce prologue qui révèle les tenants et les aboutissants de l’intrigue criminelle, Assurance sur la mort de Billy Wilder réussit l’exploit de maintenir un suspense et une tension constante au point que le spectateur peut se mettre à douter de l’issue fatale exposée initialement. La performance repose évidemment sur le scénario génial coécrit par Wilder et Raymond Chandler, maître du roman noir et auteur du Grand Sommeil. Avec ce qui est seulement son quatrième long-métrage (le troisième de sa carrière américaine), le metteur en scène crée des codes, des situations, des figures – de la voix off au flashback en passant par le personnage de femme fatale et la magnifique photo en noir et blanc de John Seitz – qui seront sans cesse repris et signe l’un des plus grands films noirs de l’histoire du cinéma.
Vamp absolue
Assurance sur la mort, sorti en 1944, brille aussi grâce à ses interprètes principaux, Fred MacMurray et Barbara Stanwyck, qui vont prendre le risque de briser leur image en campant des êtres particulièrement immoraux et retors. Neff, célibataire de trente-cinq ans, est un homme ordinaire attiré par le crime alors qu’il se place sous l’emprise d’une séductrice manipulatrice. Pour autant, il n’apparaît pas comme une victime, plutôt comme un naïf tombant à cause de son orgueil. Quant à Barbara Stanwyck, on n’oublie pas sa première apparition en vamp absolue, parfait mélange de vulgarité et de sensualité explosive. Sa blondeur peroxydée, ses lunettes noires et ses tenues sont devenues des classiques. Quant au grand Edward G. Robinson, il se contente ici d’un second rôle (l’opiniâtre et intègre Keys) qu’il endosse avec son talent habituel.
Autre force d’Assurance sur la mort : réussir à attacher le spectateur au destin de ce couple de criminels dont on espère, par moments, qu’il va échapper au pire. Cette complexité, cette ambivalence, ce regard sans illusions et sans manichéisme sur la nature humaine seront toujours au cœur des meilleurs films de Billy Wilder : de ses plus célèbres comédies comme Sept ans de réflexion et Certains l’aiment chaud à Boulevard du crépuscule ou La Vie privée de Sherlock Holmes. Immortel chef-d’œuvre, Assurance sur la mort a toute sa place dans l’éblouissante filmographie du cinéaste.
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