Hasard de l’actualité, deux albums de Supertramp, « Crime of the century » et « Crisis, what crisis ? », sont réédités en vinyle alors que l’un de ses leaders, Richard Davies, vient de mourir à 81 ans.

Supertramp en 1980 lors de la tournée « Breakfast In Europe » – Dougie Thomson, Rick Davies, Roger Hodgson, John Helliwell, Bob Siebenberg (Wikimedia / Commons)
Ces deux albums ont marqué les esprits, d’abord par leurs pochettes, tellement différentes de ce qui se faisait habituellement dans le monde de la pop, et, évidemment, par les trésors qu’ils renferment. En 1974, après 5 années de galère, Supertramp accède enfin à un succès phénoménal avec « Crime of the century », repérable de loin chez les disquaires avec le photo-montage de deux mains s’accrochant à des barreaux dans le vide intersidéral. La face A du vinyle est quasiment un sans-faute avec trois titres terriblement accrocheurs : « School », « Bloody well right » et « Hide in your shell ». La B n’est pas en reste avec ce qui deviendra un classique : « Dreamer ». On doit ces bijoux à deux musiciens anglais, Richard (dit Rick) Davies et Roger Hodgson, qui ont coécrit et composé tout le disque, leurs trois acolytes (Bob C. Benberg, Dougie Thomson et John Anthony Helliwell) n’étant que des accompagnateurs, certes brillants. Leur style est immédiatement reconnaissable avec le piano électrique sautillant et la voix haut perchée d’Hodgson, qui se mêle parfois à celle de Davies, éblouissant sorcier des autres claviers. Sans oublier les envolées lyriques qui propulsent les ritournelles dans de grands espaces synthétiques.
Toulouse, 2010 : deux Supertramp s’affrontent au Casino et au Zénith
En 1975, Supertramp quitte Londres pour enregistrer l’essentiel de « Crisis, what crisis ? » à Los Angeles en compagnie de leur fidèle – et précieux – ingénieur du son Ken Scott. La pochette de l’album, signée comme la précédente par Fabio Nicoli et Paul Wakefield, offre un amusant paradoxe. Côté pile, un homme bronze, indifférent à un environnement gris et pollué. Côté face, les 5 musiciens, chevelus comme il se devait à cette époque, prennent le soleil sur une plage californienne. L’album est moins ravageur sur le plan commercial que « Crime of the century » et ne dégagera qu’un réel tube : « A soapbox opera ». Il se réécoute pourtant avec bonheur, tant la patte » Supertramp sait nous accrocher avec d’imparables mélodies donnant tout leur élan à des chansons comme la superbe ballade « Easy does it », le trépidant « Sister moonshine » (et son saxo percutant) ou « The meaning », qui ose les violons avec panache. Deux autres albums devenus des classiques sortiront ensuite : « Even in the quietest moments » en 1977 (avec « Give a little bit » en tête de pont) et le triomphal « Breakfast in America » en 1979 (« The logical song », « Take the long way home »…) En désaccord avec Rick Davies, Roger Hodgson quittera le groupe fin 1982. Désaccord qui ne sera jamais soldé, les deux hommes continuant ensuite des carrières distinctes. En 2010, Toulouse avait pu en constater les effets à quelques semaines de distance. Hodgson s’était d’abord produit en version minimaliste (avec un seul accompagnateur) au casino Barrière et ce fut un enchantement. Quant à Davies, il avait rempli le Zénith sous le nom de Supertramp avec des musiciens plus jeunes…et un peu fades. Le show était bien rodé mais il semblait trop propre sur lui, peinant à créer l’émotion. Manquait à l’appel la voix aiguë de Roger Hodgson, à même de nous envoyer dans les étoiles.
« Crime of the century” et “Crisis, what crisis?”, de Supertramp, deux albums vinyles remasterisés dans les studios Abbey Road (A&M/ Universal Music).