Pour sa 16ème édition, le festival Toulouse Polars du Sud offrira, du 10 au 12 octobre, un vaste programme d’animations, de manifestations et de rencontres autour de nombreux écrivains français et étrangers parmi lesquels Victor del Arbol, Mark Haskell Smith, Dror Mishani, Jurica Pavičić, Jérôme Leroy, Henri Lœvenbruck, Max Monnehay ou Frédéric Paulin. Entretien avec Jean-Paul Vormus, président de l’association Toulouse Polars du Sud.

Jean-Paul Vormus
Michèle Pedinielli et Valerio Varesi seront les parrains de cette nouvelle édition. Pouvez-vous nous les présenter ?
Tous deux sont des auteurs que l’on suit depuis le début. Michèle Pedinielli est niçoise et cela a son importance car nombre de ses romans se déroulent dans le vieux Nice. Elle a participé au concours de nouvelles Thierry Jonquet que nous organisons et elle était arrivé troisième en 2015. Cela, dit-elle, l’avait convaincue d’écrire des romans. Depuis, elle en a écrit cinq, le dernier s’intitulant Un seul œil paru aux éditions de L’Aube. Elle a créé un personnage nommé Boccanera qui est une détective d’une cinquantaine d’années, très indépendante, cumulant des tas de problèmes, cultivant l’ironie et l’autodérision. Son dernier livre me paraît le plus sensible car il traite de thèmes comme la crainte de la mort, de la mort, du deuil. C’est un livre très humain, ce qui est d’ailleurs l’une des caractéristiques de ses romans au-delà de la qualité des intrigues. Quant à Valerio Varesi, nous avons été l’un des premiers festivals à l’inviter dès la sortie de son premier roman, Le Fleuve des brumes, chez Agullo. Il met en scène de façon récurrente le commissaire Soneri qui évolue dans la ville de Parme. Il décrit souvent cette ville sous la pluie, dans la neige ou sous la brume et cela reflète l’incertitude dans laquelle se débat son personnage. Il a la nostalgie d’une Parme qui était une ville solidaire, ouverte, s’étant opposée à Mussolini lors de la marche sur Rome et il découvre qu’elle lui est de plus en plus étrangère. Dans son dernier roman, L’autre loi, qui se passe dans la banlieue de Parme, ce n’est que lutte entre gangs de dealers, de commandos d’extrême droite qui veulent faire le ménage, d’islamistes cherchant à faire régner leur loi… Dans ses derniers livres, Valeri et son commissaire Soneri sont de plus en plus en colère.

Michèle Pedinielli © Mouloud Zoughebi
Parmi les auteurs étrangers invités, il y a l’écrivain israélien Dror Mishani qui a un succès international. Son dernier livre, Au ras du sol, n’est pas un roman noir, mais il débute à Toulouse, précisément lors du festival Toulouse Polars du Sud en octobre 2023…
Oui, il était là le 7 octobre 2023 lors des attaques du Hamas et il relate cela dans son livre. Nous avions aimé ses romans et son dernier livre, sous-titré « Journal d’un écrivain en temps de guerre », n’est pas un roman policier ni un roman noir, mais il nous semblait qu’il y avait une certaine logique à l’inviter à nouveau. Il porte une voix assez singulière en Israël. Peu après le 7 octobre, il a signé une tribune dans Le Monde prévenant contre les dangers d’une guerre sans fin à Gaza. Par ailleurs, nous avions aussi l’intention d’inviter Frédéric Paulin, qui a écrit une trilogie romanesque sur la guerre civile au Liban, et il nous semblait qu’un dialogue intéressant pouvait s’établir entre eux.

Mishani Dror
Justement, Frédéric Paulin vient de publier Que s’obscurcissent le soleil et la lumière qui est le dernier volet de sa trilogie libanaise. C’est une sorte de thriller géopolitique, un genre dans lequel s’illustrent les auteurs anglo-saxons et particulièrement américains. Il démontre que les écrivains français savent aussi très bien s’emparer de ce genre.
Tout à fait, il avait déjà fait une trilogie autour de l’Algérie qui débutait avec la guerre civile dans les années 1990 et qui s’achevait avec les attentats de 2015 en France. Un autre auteur, Benjamin Dierstein, que nous voudrions inviter pour notre prochaine édition, s’est lui aussi lancé dans une vaste trilogie romanesque, axée sur la politique française à la fin des années 1970 et au début des années 1980. Mais ce qu’a réalisé Frédéric Paulin est remarquable, notamment du point de vue de l’écriture.

Frédéric Paulin
L’écrivain croate Jurica Pavičić sera également présent. Pour nombre de Français, la Croatie évoque la ville médiévale de Dubrovnik ou les îles très touristiques de l’Adriatique. Lui montre, notamment dans son dernier roman, Mater Dolorosa, l’envers du décor, c’est-à-dire un pays encore hanté par les guerres des années 1990 et où l’héritage de la violence est présent.
Oui, son dernier roman se déroule dans la ville de Split, très touristique, et il nous montre en effet l’envers du décor. On voit l’empreinte qu’il reste du régime socialiste et de ce passé, mais il y a aussi une très belle analyse de la famille, des liens du sang et de ce qu’une mère est prête à faire pour défendre à tout prix son fils. C’est un excellent auteur. Son premier roman, L’Eau rouge, qui a eu un grand succès, était déjà très bon et il était encore plus axé sur les conséquences des guerres en ex-Yougoslavie.

Jurica Pavičić © Jakov Prkic / CROPIX
Parmi les écrivains français, il y a notamment à l’affiche de Toulouse Polars du Sud Jérôme Leroy qui a obtenu récemment le prix Alexandre Vialatte pour Un effondrement parfait qui n’a rien d’un polar. C’est un auteur qui écrit de la littérature « blanche », qui publie des recueils de poésie, mais aussi donc des romans noirs et des thrillers.
Il a écrit aussi beaucoup de livres pour la jeunesse qui ont obtenu des prix. Il peut passer en effet de la blanche à la noire. Le polar, me semble-t-il, est pour lui une sorte de laboratoire lui permettant de travailler sur la forme au-delà du suspense et de l’action.

Jérôme Leroy
Un autre écrivain français singulier, qui sera présent, est Jacky Schwartzmann. Ses romans noirs comportent une part de comédie. Cette école française, qui va d’Albert Simonin à A.D.G., a un peu disparu.
Pas tout à fait quand même parce que d’autres auteurs, comme Benoît Philippon ou Sébastien Gendron, sont aussi dans cette même veine qui n’ignore pas le comique tout en ayant un arrière-fond social et un souci des petites gens. Schwartzmann situe souvent ses romans à Besançon, dont il est originaire, et plus précisément dans la banlieue où il a longtemps habité. Ce n’est donc pas le rire pour le rire, mais entre les auteurs que vous citiez et ceux d’aujourd’hui, il y a eu en effet une période où le polar s’est pris très au sérieux et avait du mal à sourire.

Jacky Schwartzmann © The Glint
Quels sont été vos coups de cœur de lecteur ces derniers mois ?
Le roman qui m’a le plus marqué est Personne sur cette terre de Victor del Arbol qui sera présent à Toulouse Polars du Sud. J’ai aimé aussi Le monde est fatigué de Joseph Incardona qui est une description de la toute-puissance de l’argent, d’un monde qui va mourir sous la pollution et l’arrogance des riches. Puis, je citerai à nouveau L’autre loi, le dernier roman de Valerio Varesi.
Création Affiche : Boris Beuzelin