Ses « Dernières nouvelles de Rome et de l’existence » se situent en 1969, dans une Italie fracturée par les extrêmes. L’éditeur et écrivain Jean Le Gall y trace le portrait d’un communiste qui abandonne la politique pour se muer…en vendeur de canapés. Un roman éminemment existentiel que l’auteur présentera mercredi 25 juin à la librairie Ombres Blanches, à Toulouse, dans le cadre du Marathon des mots.

Jean Le Gall – Photo Francesca Mantovani
Il fut étudiant à Toulouse, avocat au Canada, éditeur à Biarritz puis à Paris. Se partageant désormais entre la Capitale, où il dirige Séguier et Le Cherche-Midi, et la campagne gersoise, Jean Le Gall publie son 4e livre, « Dernières nouvelles de Rome et de l’existence » chez Gallimard. La photographie de couverture a un côté Antonioni même si le roman penche plutôt du côté de la comédie à l’italienne, qui dynamita les bonnes manières dans les années 1960 et 1970, sous la houlette de Dino Risi, Mario Monicelli, Pietro Germi, Ettore Scola ou Luigi Comencini. L’ironie voire le sarcasme sont aux avant-postes, teintés d’amertume et de mélancolie. Nicola Palumbo (1) en est le héros désabusé, homme politique en vogue qui, un soir de 1969, claque la porte du parti communiste pour prendre la poudre d’escampette. Ce curieux personnage est imprévisible : il est du genre misanthrope et se mue pourtant avec succès en vendeur de canapés. Ses amis se comptent sur les doigts d’une main : l’un est un écrivain obscur, un autre multiplie les affaires louches. On croise aussi en chemin un homme d’affaires brutal qui « odore » le succès et une star de cinéma, la très réelle Silvana Mangano, révélée par sa « sensualité inouïe » dans « Riz amer », qui ouvre sans problème la porte de son palais.
Jean Le Gall est visiblement amoureux de Rome, ville ouverte et excitante. Son personnage a un regard plus abrupt sur son environnement. Il pourrait reprendre la saillie de James Joyce, citée dans le livre : « Rome m’évoque un homme qui gagne sa vie en montrant le cadavre de sa grand-mère ». Nicola Palumbo semble zig-zaguer dans l’existence (ou plutôt « l’inexistence », ainsi qu’il la décrit). Pour lui, le genre humain « est un souvenir mal éteint, un miroir au verre dépoli, un peuple étrange où se détachent quelques solitudes seulement. » Son ami écrivain le dit autrement : « La vie a bel et bien la consistance du sable, c’est un tissu de songes et de mensonges, rien qui justifie que nous la prenions au sérieux. »
Dans ce roman existentiel, Jean Le Gall glisse les noms de ses passions littéraires, dont certaines irriguent à l’évidence son ouvrage: Fernando Pessoa, Italo Calvino, Luigi Pirandello, Pier Paolo Pasolini, « et puis Brecht, Musil, Kafka, Cervantès, enfin un trio de Français, les Darrien, Anouilh, Péguy ». Et l’auteur de conclure – ou presque – sa farce macabre en décrivant sa créature de papier comme un antimoderne, de ceux « qui n’ont pas de parti refuge, pas de bannière, pas d’évangile ». Le désespoir en moins, ne s’agirait-il pas d’un autoportrait déguisé ?
« Dernières nouvelles de Rome et de l’existence », de Jean Le Gall (Gallimard, 192 pages, 20 euros). Rencontre avec l’auteur mercredi 25 juin à 18 heures à la librairie Ombres Blanches (5, rue Mirepoix), Toulouse, dans le cadre du Marathon des mots.
(1) Nicola Palumbo est le nom d’un des personnages de « Nous nous sommes tant aimés », d’Ettore Scola (1974).