Figure iconique du violon, Renaud Capuçon sera le chef d’orchestre de la soliste Martha Argerich, figure iconique du piano qui interprète le Concerto pour piano et orchestre n° 1 de Beethoven. Il dirige en ouverture les musiciens de l’ONCT dans Danse mystique de Charlotte Sohy et pour clore, la lumineuse Symphonie n° 8 d’Antonín Dvořák. C’est pour le jeudi 10 avril à 20h à la Halle.

Renaud Capuçon © Simon Fowler
Danse mystique est une pièce symphonique de Charlotte Sohy née en 1887 à Paris et décédée en 1955 dans la capitale. De treize minutes environ, et créée en 1922, c’est un de ses trente-cinq opus écrits en tous domaines artistiques durant une vie culturelle fort remplie. Elle est une de la vingtaine des compositrices répertoriées entre 1789 et 1914 et à nouveau remarquée dans certaines programmations de concert actuellement.
Il va de soi que l’on ne vous fera pas l’affront de présenter ici une biographie aussi bien de Renaud Capuçon que de Martha Argerich que tout amateur de violon ou de piano respectivement connaît. Mais, comme d’autres avant lui, le violoniste a “craqué“ sur l’art de la direction d’orchestre, ce qui nous vaut une telle affiche. Qui donc va s’en plaindre ?!

Martha Argerich © Adriano Heitman
Quelques mots sur cette partition de jeunesse de Beethoven. C’est très probablement, fin 1795, début 1796 que Ludwig van Beethoven entreprend la composition de ce Concerto qui, malgré la désignation de “premier“ devrait être le deuxième des cinq Concertos. En effet, le Concerto n°2 en si bémol voit le jour avant mais il est édité plus tardivement, d’où cette inversion de numérotation. D’autre part, on ne s’est pas mis d’accord sur la date de sa création mais il semble que la première audition soit associée, ou du moins très proche, de celle de la Première Symphonie, en avril 1800.
L’édition originale de mars 1801 porte le titre de “Grand concert pour le forte-piano avec deux violons, deux… », un orchestre au complet avec clarinettes, trompettes et timbales, instruments absents dans le Concerto n°2 !
Ce Concerto s’inscrit encore dans la lignée mozartienne mais révèle déjà le style des œuvres à venir. Entre 1795 et 1800, l’activité du musicien peut être qualifiée d’intense, de nombreuses tournées l’amenant en Tchécoslovaquie, Allemagne, Autriche, ce qui nous laisse toujours rêveur quand on songe aux moyens de locomotion disponibles alors. Cela ne semble pas compromettre, au contraire, une extraordinaire puissance de travail à laquelle on doit une abondance d’œuvres très accomplies et déjà marquées par le sceau d’un génie qui ne cesse de se développer et qui touche le plus souvent à l’épanouissement le plus absolu : Sonate Pathétique, trois Trios, Septuor op 20, six Quatuors à cordes…
Beethoven avait-il pris conscience de la valeur de ses partitions ? Paradoxalement, il exprime, d’une part, un doute au sujet de ce Concerto en ut qui « n’appartient pas encore à mes meilleurs dans le genre » écrit-il plus tard et, d’autre part en évoquant l’énorme capacité de production de cette période.

Ludwig van Beethoven – W-J Mähler
« Je vis au milieu de musique, à peine ceci est-il là que je commence autre chose ; à la manière dont je compose maintenant, je fais souvent trois ou quatre choses à la fois. » Et il conforte son ambition. « Mon génie doit triompher, il ne doit plus rien rester à faire. » Dédié à la princesse Odescalchi, une de ses jeunes élèves, ce Concerto, pour lequel Beethoven a composé trois cadences différentes, est écrit en trois mouvements, classiquement : Allegro con brio – Largo – Rondo : Allegro scherzando.
Dès le premier mouvement, on remarquera le rôle éclatant donné au soliste, débordant d’énergie rythmique. Et c’est surtout vers la fin de cet Allegro, dans la grande cadence au piano que l’élément d’improvisation spontanée se fait le plus évident, une cadence qui se prolonge de façon presqu’obsessionnelle et ce n’est qu’après un doux accord final en arpèges que l’orchestre fait enfin une irruption tonitruante. De par son caractère et son énergie rythmique, le rondo final, plein de verve et de brio, peut vous faire penser aux finales de certaines des Symphonies “londoniennes“ de Haydn, en songeant que le qualificatif de “scherzando“ signifie “ en plaisantant, en badinant“ en voulant souligner l’intention humoristique du musicien. Il fait suite à un Largo, mouvement le plus long des cinq concertos, constituant le sommet émotionnel de l’œuvre où s’exprime une tendresse toute mozartienne.

Orchestre national du Capitole © Pierre Beteille
La dernière partie de ce concert est occupée par la Symphonie n°8 en sol majeur, op. 88 – B163 (1889) d’Antonín Dvořák. Quelques mots sur l’une des neuf ! mais oui, symphonies du compositeur, qui fut d’abord la Quatrième puis la Huitième lorsqu’elles furent toutes découvertes et répertoriées. Ayons toujours à l’esprit que ce cher Antonin, compositeur et chef d’orchestre avait pour destinée première d’être apprenti boucher puis boucher comme son père en tant aussi que l’aîné des neuf enfants. Mais si papa est boucher, il est aussi musicien et ne contrariera pas l’intérêt qu’il a décelé chez son aîné pour la musique. Un environnement guère porteur on peut en convenir.
Cette spectaculaire symphonie est en quatre mouvements, I. Allegro con brio – II. Adagio – III. Allegro grazioso-Molto vivace et IV. Allegro ma non troppo avec son finale de presque dix minutes. Durée totale d’exécution, environ trente-cinq minutes. Sa tonalité n’est pas sans rappeler le métier, l’humour et l’humanité discrète du seul grand symphoniste ayant écrit dans cette tonalité radieuse, Joseph Haydn. D’un abord facile, non démonstrative, on pourrait presque dire sans chichi, elle respire bonheur, plénitude, maturité de son auteur. « Je suis un musicien tchèque tout simple, qui entend de la musique, partout autour de lui : dans les forêts, dans les champs de blé, dans l’eau des torrents. »

Antonín Dvorák
Composée en un laps de temps relativement court, achevée le 8 novembre 1889, et créée par A. Dvořák lui-même le 2 février 1890 à Prague, dirigeant l’Orchestre de l’Opéra tchèque « elle s’avère être un émerveillement poétique de l’homme devant la nature, une résurgence à la manière bohémienne, du sentiment pastoral beethovénien. » Humeur fondamentalement optimiste et vitalité sans faille trouvent leur confirmation finale dans le retour de la bacchanale, une des pages orchestrales les plus éblouissantes et les plus modernes de Dvořák, et qui annonce la puissance narrative des poèmes symphoniques à venir comme La Sorcière de midi, Le Rouet d’or, La Colombe sauvage, le Chant héroïque. On n’oublie pas son opéra Rusalka si judicieusement et artistiquement remis en avant sur la scène du Théâtre du Capitole grâce à son Directeur artistique Christophe Ghristi.
Il est à remarquer qu’« Un bon instrumentiste dira toujours que jouer dans une symphonie de Dvorak est un plaisir en raison de l’habitude du compositeur de faire participer activement chaque exécutant au discours musical, et non seulement, les premiers pupitres de l’orchestre. Une seconde flûte, un second hautbois, ou un second violon sont susceptibles à chaque instant de passer au premier plan. »
Orchestre national du Capitole