Le réalisateur de Heat et de Miami Vice signe son retour avec Ferrari qui sera diffusé à partir du 8 mars sur Prime Video.
Près de dix après le sous-estimé Hacker, sorti en 2015, le grand Michael Mann fait enfin son retour avec son film autour d’Enzo Ferrari, projet porté depuis plusieurs décennies. Entre-temps, on avait dû se contenter du pilote qu’il avait réalisé pour la décevante série Tokyo Vice (dont il est également producteur délégué) et de son roman Heat 2 (suite donc – ou plus exactement prequel – de son cultissime Heat en cours d’adaptation pour le cinéma). Contrairement à ce qui fut longtemps annoncé, Ferrari n’est pas un biopic du mythique créateur de la firme automobile éponyme. Le film se concentre sur quelques mois de l’année 1957, époque-charnière pour l’entreprise créée dix ans plus tôt qui doit se confronter à la concurrence de Maserati et à une mutation de son activité tandis qu’Enzo Ferrari traverse une crise familiale. Ayant perdu le fils issu de son mariage avec Laura, il entretient une double vie clandestine avec Lina Lardi qui, elle aussi, lui a donné un fils.
L’homme et la machine
C’est donc entre le mélodrame familial et le combat pour relancer l’entreprise au bord de la faillite que se déploie le film adapté de l’ouvrage de Brock Yates : Enzo Ferrari, l’homme et la machine (à paraître le 17 avril en France). « L’homme et la machine » : voilà qui pourrait illustrer l’une des thématiques essentielles du cinéaste (ce face à face entre l’humain et la technique étant le sujet même de Hacker) qui met en scène des professionnels dont le savoir-faire doit composer ou lutter avec de nouvelles réalités économiques, techniques, sociales, politiques.
En l’occurrence, la marque Ferrari doit-elle investir plus avant dans la lucrative production de voitures de série ou privilégier coûte que coûte son écurie de course en allant chercher des records de vitesse ? L’industrie ou l’art ? « Je vends des voitures pour participer aux courses », fait dire Mann à Enzo Ferrari qui énonce plus tard la profession de foi du héros mannien : « Si une chose fonctionne bien, il y a de fortes chances pour qu’elle soit belle. » Voici donc en cette année 1957 l’écurie lancée dans la course des Mille Miglia qui pourrait être celle de la dernière chance…
Film éteint
En dépit des enjeux du scénario, Ferrari – étonnement court (2H10) au regard du format des autres œuvres de Mann – ne parvient jamais ou trop rarement à tenir ses promesses. Un manque de tension, malgré des effets mélodramatiques, plombe le récit. La richesse et la profusion traditionnelles des seconds rôles ne sont pas au rendez-vous. De leur côté, Adam Driver et Penélope Cruz « font le job », mais leurs compositions seront vite oubliées. L’alchimie entre la sphère privée, l’intime, la famille d’une part et l’action, la quête du héros, la volonté d’échapper aux déterminismes d’autre part – qui fait le prix des grandes œuvres de Mann – ne fonctionne pas ici.
Michael Mann abandonne les expérimentations formelles de Collateral, Miami Vice ou Public Enemies pour un classicisme sans relief. Voici un film lent, éteint, à peine réveillé par quelques éclairs comme une saisissante scène de crash meurtrier. Bref, des regrets abondent à la première comme à la deuxième vision de ce long-métrage étonnement frustrant. On attendra donc Heat 2 (pour lequel le metteur en scène dirigera à nouveau Adam Driver) pour espérer retrouver la magie hypnotique de l’un de nos plus passionnants cinéastes en activité.