Enfin, une standing ovation au Théâtre du Capitole pour cette ultime représentation de Die Frau ohne Schatten en ce dimanche 4 février ! Force est de reconnaître que, depuis la Générale et la Première, la pression montait vertigineusement. D’où la difficulté de trouver un certain nombre de qualificatifs pour exprimer le niveau de ce qui a été donné de voir et surtout d’entendre. On va quand même faire de son mieux.
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Dantesque, époustouflant, étourdissant, onirique, irréel, abracadabrantesque, stupéfiant et d’autres à votre convenance. N’oublions pas bien sûr, l’essentiel : le maître-queux de cette totale réussite, Christophe Ghristi, Directeur artistique actuel qui a repris cette magnifique production du Théâtre de 2006 de Nicolas Joel du temps où lui-même était dramaturge en les murs. Lui donnant une aura supplémentaire avec cette science inouïe qu’il possède de trouver côté chant l’artiste le plus apte à défendre le personnage. D’où un plateau vocal digne des plus grandes scènes lyriques internationales. Sans oublier le choix du chef. Et une standing ovation comme en remerciement de moult productions récentes sorties de sa besace.
Il en est ainsi pour ce plateau infernal où chaque acteur assume une prise de rôle. Quelle prise de risque ! Il faut être un brin sorcier pour imaginer qu’une Ricarda Merbeth, jadis Impératrice dans la production en 2006 fera fort bien l’affaire, dix-huit ans après, en femme de Barak donc la Teinturière et qu’elle sera musicalement et théâtralement parlant, phénoménale.
Pareil pour Sophie Koch dans le rôle de la Nourrice qui lui va finalement…comme un gant. Il avait “intuité“ pour elle Isolde et auparavant Kundry. Elle a fait de ses dernières prises de rôle au Capitole des triomphes. Ça s’appelle, si je résume, connaître les voix, tout simplement. Après Nicolas Joel, maintenant Christophe Ghristi. Le Théâtre du Capitole réussit à notre très chère mezzo-soprano.
Elizabeth Teige, c’est pareil. La jeune soprano dramatique repérée ailleurs est bien une idéale Impératrice avec voix et, reconnaissons-le, le physique. Une découverte réjouissante. Mais tout de même une audace …audacieuse !! Richard Strauss serait heureux d’assister à toutes ces réussites dans notre cité.
Sans parler de Barak qui, dans cette prise de rôle, est une révélation. Ce baryton, sur scène, a tout de ce rôle. Et la voix, et le timbre, et une sorte d’empathie naturelle. D’accord, le rôle s’y prête mais le public disons à 100%, y croit. Son chant emporte l’adhésion. Il quitte Toulouse et il est Barak-Brian Mulligan : une performance.
Quant à Issachah Savage, le stupéfiant Bacchus d’Ariane à Naxos ici même, il a été tout autant stupéfiant en Empereur. Peu de rôles pour lui dans le répertoire car l’écriture semble destructrice pour les cordes vocales. Ténor d’accord mais où sont donc situées sur la portée les notes? Reconnaissons qu’elles semblent très haut là haut et ne sont guère sécurisantes pour chacun de nous ici-bas. L’angoisse peut nous étreindre. Pendant ce temps Issachah est… tout sourire. Fantastique.
Pour ce qu’il en est du chef Frank Beermann, c’est une pépite pour l’Orchestre national du Capitole de Toulouse dont il sait tirer le meilleur parti, tous pupitres confondus. Un orchestre galvanisé, des musiciens sous emprise, une direction qui convie à la fête le moindre instrument avec une partition inouïe fouillée dans le moindre recoin : un régal.
Après, nous ne nous répèterons pas ici sue les autres parties vocales, mais tout était sujet à compliments. Alors, disons-le. Et on peut continuer sur la maîtrise de la technique sur plateau, la gestion dans le fonctionnement du dispositif, pas une seule note de musique entravée, le traitement des lumières, capital d’un bout à l’autre, tous ceux qui participent au côté théâtre, tout a fait de ces représentations des sommets : un extraordinaire alignement de planètes. Et là, avis ô combien personnel, ça fait quelque temps, qu’à l’Opéra national du Capitole de Toulouse, les planètes sont alignées…Oserais-je ? On prie très fort pour qu’elles le restent…alignées !