Pérégrinations gastronomiques, solides et liquides, à Toulouse et parfois un peu ailleurs.
Ces derniers mois, en quête de nouvelles tables, nous sommes souvent passés de Souk / L’Arpète au Barbaque de Victor-Hugo avec des détours du côté d’Assoiffés, un peu comme une boule de flipper dont la trajectoire fut naguère chantée par Corynne Charby. Bref, côté nouveautés excitantes, on tournait un peu en rond. Puis, dans la froidure de l’hiver, nous avons découvert le bien nommé Fogo (« Feu » dans la langue de Neymar), qui venait d’ouvrir rue des Puits Clos en lieu et place de La Crêperie tenue des années durant par Denis Pages. Quelques jours avant le 25 décembre, le Père Noël était en avance pour les gourmands.
Un premier déjeuner dans la belle cave en briques sous-sol, parfait abri pour passer la saison, fit l’effet d’une divine surprise. En entrée, un effiloché de bœuf efficacement relevé par une pointe d’anchois, des herbes et de l’oignon cru ravit les papilles avant que ne se présente un colvert à la cuisson parfaite avec un jus concentré mais sans trop et une purée aérienne. Pour ne rien gâcher, ces assiettes précises et gourmandes, qui visaient dans le mille sans fioritures, étaient accompagnées d’une carte des vins portée sur les jus naturels permettant de retrouver quelques connaissances appréciées (Château Le Puy, domaine Ganevat, Le Mas de mon père…) et surtout de découvrir des références moins connues. En sortant de ce repas qui avait le goût d’une promesse, on n’avait une envie : revenir.
Drôle de rencontre
D’autres visites, à déjeuner ou à dîner, confirmèrent les bonnes impressions initiales jusque dans les plats les plus classiques. On se souvient notamment d’une côte de bœuf, insolente par sa tendreté et sa saveur, nous épargnant les pièges de la surmaturation. Plus récemment, un déjeuner résumait l’art et la manière de Fogo : un œuf parfait à basse température était dopé par du bellota et une discrète crème d’ail tandis qu’un cabillaud et son risotto au mascarpone se trouvaient titillés par des pointes d’orange sanguine. Quant au tiramisu pistache, il concluait tout en légèreté le repas.
Au cœur du Fogo, on rencontre un drôle de tandem dont les membres n’étaient forcément voués à se rencontrer. Voici Frédéric Medves, au service et aux commandes de la carte des vins, ancien joueur de rugby professionnel à Auch et à Blagnac, international algérien, dont la reconversion post-ballon ovale l’amena à faire ses armes dans la restauration (J’Go, Jardins du TOEC) avec le projet d’ouvrir un jour son propre établissement. A ses côtés, Bruno Gomes, natif de Sao Paulo, a choisi la cuisine à rebours de chemins plus attendus comme celui d’intégrer le cabinet d’avocats familial. Après avoir travaillé dans des restaurants étoilés au Brésil, il a pris le chemin de la France et de Toulouse afin de poursuivre son parcours gastronomique. Au fil de passages au sein des restaurants « A la Une » ou de ceux de Thomas Fantini, c’est à la cave à vins et à manger Bonbonne à Lardenne que le chef a rencontré Frédéric Medves.
Cuisine d’émotions
Aujourd’hui, cette rencontre professionnelle et amicale a donc accouché de ce restaurant proposant une cuisine de marché vibrante. A midi, le menu unique se compose d’une entrée, d’un ou deux plats et d’un dessert (16, 20 et 24 euros) qui changent tous les jours. Le soir, la carte avance une dizaine de suggestions – elles aussi renouvelées quotidiennement – à se partager ou pas comme par exemple un carpaccio de cochon à basse température, des croquettes de jambon ibérique (avec mayonnaise, anchois et paprika) ou des quesadillas (fromage, avocat, poitrine, piment). Des plats qui illustrent l’inspiration de Bruno Gomes alliant les fondamentaux de la gastronomie française à ses influences plus personnelles, ses voyages, ses expériences parmi lesquelles les longs repas de famille de son Brésil natal qui forgèrent le goût du partage du chef. Son credo : ne pas se lasser, travailler avec les saisons et les produits du jour, ne pas se laisser entraver par une recette figée, privilégier l’instinct et l’envie, marier la tradition à la modernité, rendre hommage au cochon sous toutes ses formes et honorer les poissons qui stimulent la créativité.
Si le barbecue Green Egg trônant derrière le comptoir confirme l’importance donnée ici au feu, il ne dit pas toute la variété et la précision de cette cuisine d’émotions, d’humeurs dont le sens du détail, de la petite touche fait la singularité. Une mauvaise nouvelle toutefois (pour les clients) : le restaurant est souvent complet, en particulier les fins de semaine en soirée, et il faut préparer son agenda pour réserver. Sinon, c’est tudo bem.
Fogo – 6, rue des Puits Clos 31000 Toulouse. Ouvert du lundi au vendredi à déjeuner ; le soir le lundi, le mardi, le jeudi et le vendredi. Tél : 06 21 29 23 81 / 06 12 16 74 51.
DANS L’ASSIETTE ET DANS LE VERRE