Pérégrinations gastronomiques, solides et liquides, à Toulouse et parfois un peu ailleurs.
En compagnie de Sébastien Lapaque – critique littéraire, romancier, essayiste – nous avons bu, au hasard et méthodiquement, souvent et en quantité. Nous avons bu à Paris, Toulouse, Versailles, Rennes, Saint-Brieuc, Cancale, Toulon et même au domaine de la Romanée-Conti. Ces quelques précisions géographiques ne sont pas anecdotiques comme en témoigne son dernier livre, Nous avons tout bu, sorte de somme des pérégrinations bacchiques de l’auteur à travers le vieux pays et au-delà. Nous avons bu du bon, du très bon, du tout-venant, du bizarre, du picrate, du grandiose, et cette variété des registres se retrouve naturellement dans les pages de ce volume qui prend place dans la bibliographie de l’auteur auprès de Chez Marcel Lapierre, Le Petit Lapaque des vins de copains et Théorie de la bulle carrée (sur Anselme Selosse) – autant de textes dédiés à la Dive bouteille auxquels on serait tenté d’ajouter Des Tripes et des Lettres, cosigné avec son ami Yves Camdeborde, pour le côté solide.
Avec On aura tout bu, Sébastien Lapaque conjugue ses talents. Il se fait pédagogue pour décrire les enjeux économiques, écologiques, politiques, éthiques, liés au monde du vin. Il raconte le parcours de vignerons artisans ayant tourné le dos à l’agro-industrie, aux engrais chimiques, aux désherbants, aux fongicides, aux pesticides et aux « cosmétiques œnologiques ». Il éclaire l’imposture du vin « bio technologiquement assisté ».
Voyages
Cette ode au bien boire (et au bien manger, ce qui va de soi) est aussi un éloge du départ, des chemins de traverse, de la dérive. Du Pays Basque au Beaujolais, du Béarn au Var du côté de chez Jean-Christophe Comor en passant par la Vendée chez Thierry Michon, l’Hexagone offre un terrain de jeu inépuisable. Les visites à Aubert de Villaine à la Romanée-Conti valent le détour. A Cancale, notre guide s’attable chez Hugo et Olivier Roellinger.
Le Sud-Ouest n’est pas négligé. Nous voici en compagnie de Charlotte et Louis Pérot qui, non loin de Cahors, produisent des vins remarquables. A Toulouse, Lapaque s’attarde au Temps des Vendanges d’Eric Cuestas et au restaurant Les Planeurs de Toshiyuki Kondo et de Katsunori Nakanishi – deux choix que nous approuvons sans réserve. On aura tout bu est ainsi un livre de voyages. Si un vin doit « ressembler au pays où il est né », il faut bien à l’occasion céder à l’appel des horizons lointains. Des séjours au Brésil, en Uruguay, à Madère ou à Capri rythment la quête inlassable de ce buveur solidaire et fraternel. Puis, il y a toujours un bon ami pour ramener une bouteille inattendue, tel ce vin du Kosovo produit dans une enclave serbe. Sébastien Lapaque achève son livre par une morale qui est aussi un commandement : « au milieu des catastrophes et malgré la folie des hommes, il faut boire du vin. » Santé !
DANS L’ASSIETTE ET DANS LE VERRE