Chaque semaine, on vous invite à lire une nouveauté, un classique ou un livre injustement méconnu.
Si Noah Hawley, né à New York en 1967, est célèbre pour avoir été le créateur des séries Fargo (quatre saisons librement inspirées du film des frères Coen et Legion (trois saisons), ainsi que du long métrage Lucy in the Sky avec Natalie Portman, il a d’abord été écrivain. En témoignent ses romans Le bon père, publié en France en 2013 à la Série Noire, et Avant la chute, sorti en 2019 dans la même collection (un troisième titre, Anthem, paru aux Etats-Unis début 2022, n’a pas encore été traduit en français). Le point de départ d’Avant la chute possède les caractéristiques du thriller-type.
Un soir d’été, le jet privé du richissime David Bateman décolle de l’île de Vineyard pour rejoindre New York. Quelques minutes plus tard, l’appareil s’abîme en mer et deux des onze occupants de l’avion survivent miraculeusement : Scott Burroughs, artiste peintre invité de la dernière minute, et le jeune fils des Bateman sauvé de la noyade par Burroughs. L’enquête sur le crash révèle des zones d’ombre dont la présence parmi les passagers d’un financier véreux sur le point d’être arrêté. Quant au « héros », ce peintre dont les toiles reflètent des obsessions morbides, il va se retrouver au centre de bien des attentions…
Représentations falsifiées
Avant la chute ouvre de multiples pistes et hypothèses que l’auteur s’ingénie à brouiller. Noah Hawley retrace la vie des personnages, passe d’un milieu à un autre. Dans ce monde qu’il décrit, des fortunes colossales se construisent en quelques années, des flux d’argent disparaissent à travers des circuits opaques tandis que la grande machine médiatique (chaînes d’information, réseaux sociaux…) distille des « fake news » jonglant sur la peur, le goût du scandale et du complotisme, la quête de bouc émissaire. Les écrans projettent des représentations falsifiées, le réel se dilue dans une accumulation de signes. L’écrivain – et homme d’images – ne se prive pas d’interroger les ressorts du spectacle et de la fiction.
Hawley conduit son récit avec une maîtrise décontractée. Il alterne moments de tension et de latence, point de vue sociologique et psychologie, mélancolie et touches d’humour noir. La résolution de l’intrigue décevra peut-être les amateurs de scénarios et de machinations diaboliques, mais l’écrivain assume pleinement l’apparente banalité des pulsions criminelles en jeu. C’est l’ultime singularité de ce roman fascinant.