Symbole de la gastronomie française, le foie gras est un produit authentique et artisanal, dont la tradition prend racine et perdure dans le sud-ouest. Et si à l’occasion des Journées du Patrimoine 2020, on partait découvrir les secrets de ce mets de fête et les acteurs de sa fabrication ? Reportage gourmand et instructif au cœur des Landes et du Gers.
C’est au cœur du Sud-ouest profond, entre Gascogne et Chalosse, que des routes qui semblent oubliées des GPS sillonnent des paysages qui changent au détour d’un virage ou d’un vallon. Ligne droite mais à rebonds entre deux armées dressées de maïs. Route sinueuse à souhait qui vire d’un bosquet touffu à un clocher perdu. Mais aussi des tournesols penauds à perte de vue, des pins majestueux et des vignes sagement alignées encore chargées pour certaines de leurs grappes prometteuses. En ce début d’automne, les tracteurs s’affairent et les lumières sont belles quand on file sur les petites routes de campagne dont les panneaux indiquent des villages aux noms rugueux mais tout droit sortis d’une carte postale d’antan.
Cette route, c’est celle du foie gras et de la rencontre avec une filière qui se consacre à une spécialité locale imitée mais jamais égalée : le foie gras. Une filière, qui, à l’image des nombreuses croix plantées au croisement des petites départementales, se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins. A l’heure de la crise de l’export liée à la pandémie CoVid19 et de la Loi Egalim, mais aussi des changements des modes de consommation alimentaire, des légitimes questions sur le bien-être animal et de la montée en puissance (médiatique) des partisans du véganisme, les acteurs de la filière foie gras misent sur la tradition, la qualité et la transparence. Ils participent d’ailleurs pour la première fois aux Journées du Patrimoine qui mettent cette année à l’honneur ce produit du terroir. A grand renfort de dégustations bien sûr, tradition du bien-vivre tant landais que gersois oblige !
Petite histoire du foie gras
Mais tout d’abord, retour aux sources… celles de l’Histoire tout d’abord. Dès l’Antiquité, des bas-reliefs égyptiens montrent des valets nourrissant des oies de figues. L’engraissage était né mais reproduit en fait un mécanisme naturel, physiologique et réversible, chez les palmipèdes et plus généralement chez les oiseaux migrateurs, qui se suralimentent pour accumuler des réserves pour supporter leurs longs voyages. C’est la France, et notamment le Sud-ouest mais aussi l’Alsace, qui deviendra au XVII et XVIIIe siècles le pays du foie gras, transformant peu à peu ce produit paysan, élaboré pour subvenir aux besoins de l’hiver, en un mets coûteux et prisé. L’oie était alors reine et il n’y a pas si longtemps, elles étaient nombreuses dans les cours des fermes gasconnes, engraissées pour faire quelques cadeaux au curé du village et quelques confits pour la famille… Aujourd’hui, le canard, plus facile et plus rentable, est largement majoritaire et il ne reste plus que 250000 oies en France – plus de 2 millions en Hongrie.
L’oie justement, c’est la passion et le métier de Chantal Brethes, agricultrice avec sa sœur à Montaut dans cette Chalosse de vallons et de polyculture. Ce domaine, transmis de mère en filles, abrite un des derniers troupeaux reproducteurs d’oies en France : Chantal y veille affectueusement sur ses 1400 oies et 400 jars et encore plus d’oisons. Oisons ou canetons partent ensuite en phase d’élevage, ce qui est le métier de Sylvie Robin, une Bretonne tombée amoureuse du Gers et d’un Gersois, installée depuis cinq ans dans son domaine (canard, vaches, vignes, céréales…) de Pierron à Viella : là, quelques 2000 petits canards (selon les saisons) gambaderont pendant trois mois dans des champs appelés « parcours » dédiés, ombragés et protégés (des prédateurs : renard, fouine, chat, buse…). Les palmipèdes sont ensuite engraissés pendant une douzaine de jours par un spécialiste, comme Hervé Dupouy, engraisseur avec son frère à Castelnau-Tursan. Matin et soir, les animaux sont gavés avec une mixture de maïs : à peine 4 secondes pour l’oiseau, qui peut avoir peur les premiers jours mais sans douleur, mais plusieurs heures durant deux fois par jour pour l’engraisseur ! Des métiers techniques mais surtout manuels et avec un contact et une attention constants de l’éleveur pour ses bêtes. L’histoire du foie gras, c’est aussi celle de ces hommes et de ces femmes, de ces métiers parfois réunis au sein d’une même entreprise ou parfois complémentaires sur une agro-chaîne de l’amont à l’aval, de l’œuf à l’assiette.
Foie gras, magret, confit & co
Dans l’assiette justement, c’est le foie gras, produit-roi qui parade. Fruit lui aussi d’un minutieux travail, largement manuel et artisanal, pour trier les foies en fonction de leur aspect, texture et densité, les déveiner, les cuire et les assaisonner, et préparer le mets festif si convoité. Chez Lafitte, maison landaise familiale et centenaire, on est spécialiste depuis 1920 de la revente de lièvres, perdreaux, bécasses et mythiques ortolans, mais aussi et surtout désormais de foie gras d’oie et de canard et autres produits dérivés. Les quelques 200 salariés, petites mains expertes, y fabriquent donc des foies prisés des grands chefs et inventent chaque année une recette inédite : le foie gras au citron et épices orientales pour les fêtes de fin d’année 2020. A une centaine de kilomètres de là, la famille Perès à Saint-Michel dans le Gers va du champ à l’assiette au travers d’une exploitation gérée en famille et sur plusieurs générations : ici, on élève et engraisse des canards, on innove avec une unité de méthanisation, on crée une conserverie partagée entre agneau, porc noir de Bigorre et canard. Du canard né, élevé et engraissé sur place qui sera notamment servi à la table d’hôtes, ce qui boucle la boucle. La boucle du producteur qui est aussi d’exploiter l’ensemble du palmipède : si le magret, « inventé » par le très gersois André Daguin, est largement consommé dans le sud-ouest, il a fait l’objet d’une campagne de promotion nationale par l’Interprofession du Foie Gras (CIFOG) l’an dernier. Place cette année au très tradi confit qui ne demande qu’à être revisité et dépoussiéré… par le (Top) chef Adrien Cachot, nouvel ambassadeur français es canard. Le canard gras (et l’oie) semble avoir des réserves, d’inventivité et de convivialité, à révéler. A redécouvrir lors des Journées du Patrimoine les 19 et 20 septembre 2020.
Où dormir, où manger et où aller pour les Journées du Patrimoine dans les Landes et le Gers
Les Journées du Patrimoine 2020 : Portes ouvertes, visites, animations, dégustations… notamment chez Maison Laffite, Hervé et Emmanuel Dupouy, Chantal Brethès, Pierre Perès…
https://patrimoine-foiegras.fr
Mais une route du foie gras mérite aussi quelques escales gourmandes et régénérantes :
Dans les Landes, à Eugénie-les-Bains, les Prés d’Eugénie du célèbre et triplement étoilé Michel Guérard offrent la diversité de leurs hébergements et tables gourmandes. Dans un décor rustique, La Ferme aux Grives propose ainsi une carte savoureuse et gourmande qui fait la part belle aux produits du terroir et donc au palmipède, star locale. Mention spéciale à la « gougère au confit de canard » et au « foie gras cuit au coin de l’âtre, gelée de poivres fauves ».
Au cœur d’une exploitation agricole gersoise, le Domaine de la Patte d’Oie propose cinq chambres d’hôtes avec vue sur la ferme ou sur les Pyrénées et une table d’hôtes sans chichis mais avec canard. Décor sobre et soigné et ambiance familiale chez les Perès.
Où trouver du (bon) foie gras à Toulouse ?
Maison Busquets, 10 rue de Rémusat, Toulouse
Hameau de Marie Antoinette, 12 rue du Rempart Matabiau, Toulouse
Les Champions, 50 rue Pharaon, Toulouse
Maison Samaran, Marché Victor Hugo, Toulouse