Le patriotisme économique, invoqué il y a 15 ans par Dominique de Villepin lorsqu’il était Premier ministre, n’a jamais eu autant le vent en poupe que depuis le début de la pandémie du Covid-19. La souveraineté industrielle s’impose, notamment dans le secteur culturel, particulièrement touché par la crise. France Télévisions s’engage à privilégier le « Made in France » dans la création audiovisuelle. Bonne nouvelle : l’audience suit et l’ « exception culturelle française » pourrait avoir encore de beaux jours devant elle.
Sous l’effet du cataclysme provoqué par la pandémie du coronavirus, de nombreux pays européens s’engagent depuis un mois à protéger leurs entreprises nationales, fragilisées par la crise économique. Dans la tourmente, l’Etat veut réaffirmer par là son rôle de garant de la sécurité économique malgré les aléas inédits liés à la pandémie. Le 1er avril dernier, un décret venait renforcer l’arsenal financier. Un Fonds de solidarité, créé par l’Etat et les Régions, a été doté de 7 milliards d’euros afin de venir en aide aux petites entreprises.
Le ministre de l’Economie Bruno Lemaire récidivait le 29 avril dernier avec de nouvelles mesures concernant les investisseurs étrangers, qui seront dorénavant contrôlés dès qu’ils voudront acquérir 10% d’une entreprise française (contre 25% auparavant). Dans le viseur notamment, les entreprises chinoises. Un numéro d’équilibriste délicat pour la France, l’un des pays les plus attractifs au monde depuis quatre ans, qui doit par ailleurs garder une « bonne image » auprès des investisseurs.
« Privilégier le made in France c’est importer moins, recentrer l’économie sur ce que nous sommes capables de produire, avec aussi de meilleurs prix pour rémunérer décemment ceux qui fabriquent dans l’Hexagone » résumait dernièrement Arnaud Montebourg, le chantre du patriotisme économique, et ancien ministre du Redressement productif dans Challenges. L’État doit soutenir son tissu industriel, faciliter les circuits courts, et soutenir les entreprises locales.
Made in France chez France Télévision
La production audiovisuelle ne doit pas faire exception à la règle, notamment à l’heure d’un confinement généralisé qui devrait se prolonger jusqu’à la fin de l’année pour les populations à risques (personnes malades ou âgées), qui resteront chez elles et qui auront besoin de programmes de distraction. Afin de soutenir le secteur, France Télévisions va renforcer de 20 millions d’euros en 2021 ses investissements dans la création audiovisuelle, et améliorer significativement l’exposition de la culture sur ses antennes, selon sa présidente Delphine Ernotte. En d’autres termes : plus de fictions, et plus de productions audiovisuelles tricolores pour les téléspectateurs.
Soumise à une obligation de contribuer au développement d’œuvres patrimoniales (20 % de son chiffre d’affaires), France Télévisions s’engage donc à poursuivre ses efforts de mise en valeur de la production hexagonale. Cette aide avait déjà atteint 408 millions d’euros en 2018, ce qui fait aujourd’hui de France Télévisions le premier financeur de la production audiovisuelle tricolore. A l’écran, de nombreuses séries originales : Plus belle la vie, Alex Hugo, The Collection, Crimes parfaits, qui connaissent un véritable succès populaire, notamment sur les plateformes de vidéo à la demande, comme la série Dix pour cent créée par Fanny Herrero.
Un tournant historique pour la fiction sur France Télévisions
Cette inflexion notable a coïncidé avec l’arrivée de Delphine Ernotte à la tête du groupe en 2015, qui a fait de la fiction et du développement des séries un axe prioritaire de sa politique. Le feuilleton quotidien Un Si Grand Soleil sur France 2 a créé la surprise en attirant 3,7 millions de spectateurs, ainsi que le phénomène Capitaine Marleau, une série télévisée qui rassemble aujourd’hui plus de 8 millions de téléspectateurs sur France 3. Soit « la meilleure audience télé pour une fiction » d’après le Parisien et un véritable tournant historique pour la télévision publique.
« Le volume de fiction produite en 2018 en France a atteint un niveau record de près de 1 000 heures de programmes » d’après le Figaro. Une augmentation de la production qui s’accompagne d’une diversification des formats de fiction française. De 90 minutes, les séries sont passées à 52 minutes ou à 26 minutes, une durée très en vogue à l’étranger, notamment auprès des publics jeunes, affectionnant les plateformes numériques.
La production de fictions hexagonales pourrait redonner un nouveau souffle à ce qu’on appelle « l’exception culturelle française », qui s’est longtemps illustrée dans le secteur cinématographique, et au rayonnement de la fiction hexagonale à l’étranger.