Au nom de la terre un film d’Edouard Bergeon
En 2010, ce réalisateur tourne un documentaire sur les suicides dans le monde paysan. Il sait de quoi il parle car son père a mis fin à ses jours alors qu’Edouard n’a que 16 ans. L’univers agricole est son univers et il décide aujourd’hui de raconter la terrible histoire de sa famille, une famille ancrée depuis des générations dans le milieu paysan.
Voici donc Pierre revenant d’un long séjour aux USA. Il a 25 ans, sa fiancée l’attend, il fonde une famille en même temps qu’il prend la succession de son père dans l’exploitation familiale. Deux enfants viennent embellir une vie pleine de promesses. S’écoulent alors des jours heureux. Pierre ne compte pas ses heures de travail, sa femme Claire travaille dans un cabinet de comptabilité et assure aussi la gestion d’une exploitation qui grandit, grandit… en même temps que les encours de crédits. Pour pallier des fins de mois de plus en plus difficiles, Pierre loue une partie de ses hangars à une coopérative et se met à produire de manière extensive de la volaille. C’est la fuite en avant et la construction d’une méga-structure. A force de se tuer à la tâche, Pierre finit par succomber à un burn out. La suite et la fin nous la connaissons tous.
Guillaume Canet (Pierre) donne corps et âme à ce paysan prêt à tout pour sauver sa famille et son exploitation. A ses côtés, Rufus incarne un patriarche dont on ne doute un instant de l’authenticité. Claire est une vraie et magnifique découverte, il s’agit de l’actrice belge Veerle Baetens. Un nom que l’on espère revoir rapidement. Enfin Thomas, le fils, n’est autre que le héros de La Prière (Cédric Kahn/2018), ici tout aussi convaincant. Il endosse une scène finale totalement tétanisante.
Film hommage aux paysans, aux dangers qu’ils encourent en permanence pour survivre, ce film martèle en filigrane combien l’avenir du genre humain, celui de nos enfants et de nos petits-enfants, est entre leurs mains, combien aucun monument en pierres, aussi prestigieux soit-il, n’assurera la pérennité de l’Homme, combien le seul et unique chef-d’œuvre qu’il convient de protéger et de privilégier est bien celui qui vit depuis des millénaires dans nos campagnes. Il a su s’adapter mais aujourd’hui il est à bout de souffle.