La reprise à Toulouse de la production de « Werther » signée Nicolas Joel réunit, sur la scène du Théâtre du Capitole, Karine Deshayes et Jean-François Borras dans l’opéra de Jules Massenet.
La saison lyrique toulousaine s’achève au Théâtre du Capitole avec « Werther », de Jules Massenet, l’un des ouvrages français les plus représentés dans le monde depuis sa création en 1892, à Vienne. Le livret est l’adaptation par Édouard Blau, Paul Millet et Georges Hartmann des « Souffrances du jeune Werther », roman épistolaire de Goethe. Publié en 1774, le roman connut un succès tel qu’il provoqua ce que l’on appela la «fièvre werthérienne» : on constata alors une vague de suicides de jeunes gens cherchant à imiter le héros. L’œuvre apporta à son auteur ses lettres de noblesse et une renommée considérable en Allemagne mais aussi dans toute l’Europe. Traduit en français l’année suivante, il provoqua l’enthousiasme de la génération romantique pour une œuvre qui la devançait de cinquante ans.
Un siècle plus tard, en plein romantisme français, Jules Massenet s’inspire de cette histoire d’amour impossible pour composer un drame lyrique bouleversant. Fidèle à son modèle littéraire, le compositeur saisit à merveille la ferveur exaltée des sentiments et laisse libre cours à ses inventions harmoniques et mélodiques pour atteindre une intensité musicale rare. Mais l’opéra s’émancipe du roman pour adopter les codes du genre. Le compositeur y envisage l’orchestre comme un personnage, et irrigue sa partition de motifs caractéristiques pour soutenir l’émotion : s’inspirant de Charles Gounod pour surligner des sentiments contrastés et de Richard Wagner pour déployer des leitmotivs, il approfondit cette démarche jusqu’à atteindre d’infimes nuances dans la description des états d’âme des personnages. La partition offre ainsi de magnifiques duos entre Werther et Charlotte, déchirés entre leur aspiration au bonheur et le respect implacable des conventions sociales et familiales que la jeune femme ne pourra dépasser.
L’histoire est celle de l’amour que Werther ressent un été, lorsqu’il rencontre Charlotte. Il lui déclare sa flamme quelques mois plus tard, mais elle est devenue à l’automne la femme d’Albert qu’elle a épousé par devoir. Charlotte aime Werther sans vouloir se l’avouer et repousse les avances du jeune homme à la veille de Noël… Ce «drame lyrique» s’inscrit avant tout dans une tradition française, avec un orchestre qui sait porter l’intensité et la grandeur du drame tout en conservant les subtilités et les transparences d’une grande partition de musique de chambre. Sa volonté de parvenir à une continuité dramatique, qui prendrait comme mètre l’acte et non plus une succession de morceaux fermés imposés par une tradition vocale encore très en vogue au XIXe siècle, est ici réalisée au profit d’une lisibilité poignante de l’évolution et de la complexité psychologique des personnages.
Après le succès de « Manon », Massenet supervisait à Vienne les répétitions de « Werther », et nota dans ses mémoires : «“Est-ce possible? C’est trop beau! Est-ce bien moi qui ai écrit cela?”, murmurais-je en un naïf attendrissement, du fauteuil où j’étais blotti, dans un coin de la salle obscure et immense. Ces mots étaient à peine sortis de mes lèvres qu’une artiste du théâtre, assise non loin de moi, y répondit par cette exclamation d’une conviction si touchante qu’elle m’alla au plus profond du cœur: “Ja! Göttlicher Mann!” (Oui, homme aimé de Dieu!)».
Ancien clarinettiste de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse, Jean-François Verdier dirigera cette partition lors de la reprise de la production de Nicolas Joel conçue pour le Théâtre du Capitole en 1997, avec les décors (photo) et les costumes de Hubert Monloup et les lumières de Vinicio Cheli. Ce sera l’occasion de retrouver sur cette scène la mezzo-soprano Karine Deshayes – dix ans après « la Périchole » – aux côtés du ténor Jean-François Borras. Pour ses débuts à Toulouse, ce dernier chantera le rôle-titre après ses performances remarquées à New York, Venise, etc.
Jérôme Gac
Billetterie en Ligne du Théâtre du Capitole
Théâtre du Capitole
Werther • Jules Massenet
du 20 juin au 02 juillet 2019