Le Solilesse
Pour évoquer Yohann Travostino, nous avons mentionné la « maison-mère », le Solilesse, ouvert en 2013, mais nous aurions pu choisir le Glastag, ouvert en 2016, ou le plus récent Restaurant sans nom (mais pas sans adresse puisqu’il est quasi mitoyen du Solilesse au 40 bis de la rue Peyrolières) inauguré au printemps 2018. De cette profusion, on pourrait craindre le pire : la pure extension marchande, la déclinaison de recettes éprouvées, l’économie d’échelle… Il ne faut cependant pas confondre sa démarche avec celle de l’un de ces quelconques consortiums de la malbouffe chic et branchée sévissant dans la ville pour appâter les gogos. Ce serait mal connaître notre homme. Yohann Travostino est sans doute le chef toulousain le plus rock’n’roll, voire le plus punk. Cela fait quelque temps déjà qu’il s’est délesté de sa crête rouge, mais il n’a jamais abandonné sa ligne de conduite, à savoir une cuisine ludique, précise, gouailleuse, généreuse…
A la tête de ses trois restaurants, Yohann Travostino nous fait songer à ces supergroupes de la pop anglo-saxonne (Power Station, The Honeydrippers, Traveling Wilburys, Electronic, The Raconteurs, Tired Pony…) rassemblant des talents venus de diverses formations musicales. Il met en place des équipes, supervise, contrôle, cuisine, compose avec l’idée d’instaurer une autre façon de diriger des restaurants, de miser sur le collectif et l’esprit de groupe. Une voie ponctuée de satisfactions, mais aussi parfois de regrets quand l’engagement et l’enthousiasme ne sont pas au rendez-vous. Il faut alors reprendre les manettes, recréer de la verticalité quand le leader préfèrerait une sorte de responsabilité collective. Pour les clients, peu importent les coulisses et le Solilesse, le Glastag comme Le restaurant sans nom réussissent la performance de proposer trois cuisines différentes, singulières, authentiques, partageant toutefois le souci commun de l’exigence et de la qualité. Ces derniers temps, nous avons privilégié le petit dernier pour des déjeuners et des dîners de très belle tenue reposant pourtant sur une carte serrée – trois entrées, trois plats, trois desserts – mais d’une efficacité et d’une gourmandise imparables. Récemment, un dîner au Glastag nous a ravi. Quant au Solilesse, il a été longtemps l’un de nos solides camps de base. Il faudra y revenir.
Passé par le Lycée hôtelier de Toulouse, Yohann a séjourné en Californie en 2001 avant de passer cinq ans au Mexique en mariant son goût et sa pratique de la cuisine à son goût des horizons lointains. De 2007 à 2012, il s’est fait connaître en ouvrant Le Petit Bacchus, rue Pharaon. La suite, on la connaît. À 39 ans, le chef dégage une énergie peu commune. Nous n’avons pas vraiment été surpris quand il nous a dit écouter de la musique dans ses cuisines ni quand il nous a dévoilé celles-ci : The Clash, The Stooges, The Cure, Bérurier noir, Les VRP… Un peu de douceur aussi avec les Beatles ou Bob Dylan, sans oublier une grande passion pour Prince qu’il a vu deux fois sur scène. Avec le Kid de Minneapolis qui, tout au long de sa carrière, a multiplié les formations (jusqu’à se produire en solo au piano) et les genres, tout en revisitant en permanence les chansons de son répertoire au gré de nouveaux arrangements et de nouveaux styles, Yohann Travostino partage le souci de ne pas se répéter, de moduler ses recettes, de travailler ses jus, de jouer sur les ingrédients, sans perdre de vue la constance. Quête de l’équilibre, de l’harmonie, avec ce qu’il faut de désordre, voire d’inspiration pour chasser le conformisme. Chapeau maestro.
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photos © Pierre Beteille
Solilesse
40 rue Peyrolières – Toulouse
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Tel : 09 83 34 03 50
Glastag
7 rue Joutx-Aigues – Toulouse
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Tel : 09 86 18 14 14