Lost , absolutely, lost …. And very sad …
Ce concert promettait d’être hors normes. Donné à trois reprises à la Halle-aux-Grains ce projet de Jeff Mills a fait salle comble, ou presque, à chaque fois. Un défit apparemment réussi !
Les adeptes du DJ étaient bien plus nombreux que les habitués aux concerts de l’Orchestre National du Capitole. Un air de jeunesse soufflait dans l’auguste Halle-aux-Grains. L’expérience a été inouïe, étrange autant que déstabilisante. Après tout, un vrai voyage dans l’espace ne peut être que dangereux et traumatisant. Loin des films de sciences fiction bien aimés qui nous font oublier la réalité du vide intersidéral hostile. Jeff Mills est un DJ, musicien techno et producteur qui semble vouloir explorer tout ce que le son permet.
Ce soir il était au milieu des musiciens classiques derrière sa table de mixage sur la droite. L’orchestre du Capitole occupait la scène comme à son habitude et à gauche sur une petite estrade se tenait en soliste le joueur de Tabla : Prabhu Edouard. Des fumées permettaient à Claude Lifante et Frédéric Fayard de sculpter dans l’espace des rayons lasers de toute beauté avec l’appuie de la lumière et la scénographie de Yves Pépin. C’est certainement les yeux qui ont véritablement voyagé dans l’hyper espace dans une belle poésie. Les effets ont été sans cesse renouvelés toujours très beaux et porteurs de significations. Les papillons, oiseaux ou Raies Manta ont peut être été les plus aboutis, dans une poésie de mouvement paisible et enivrante. Pour ce qui est des oreilles ce fut chaotique. Pourquoi le chef, Christophe Mangou portait t-il un casque ? Peut être un casque anti bruit ? Car contrairement à la réalité physique du silence dans l’espace, les films cultes comme Star Wars et 2001 Odyssée de l’Espace nous proposent de la musique mais aussi des bruits très nombreux, mais jamais ainsi. Ce soir le bruit, les déflagrations, ont trop souvent masqué l’orchestre que l’œil voyait jouer mais que l’oreille ne rencontrait pas. Un sentiment de gâchis apportait une note de tristesse à la soirée. Les musiques enregistrées ajoutées ont semblé toutes assez pâles. Seul le Tabla de Prabhu Edouard, amplifié, parfois déformé a véritablement apporté une note de musique sensible portant une émotion vraie. Peut être est ce là le message le plus abouti. Que fait l’homme dans l’espace, lui qui vient de sa petite terre où la musique a commencé par un tambour ? Ces rythmes simples ou complexes dans leur dimension ethnique intime semblaient désespérément perdus dans l’espace hostile. Car la technique du DJ avec ses codes de déstructuration de la musique en miettes, en os les plus nus, ne peut qu’apporter la désolation comme ces valses jouées par l’orchestre, trouées, aux membres arrachés et perdant toute direction, tout sens. Je ne peux pas dire que Jeff Mills a gagné son pari d’hybridation entre DJ, musique techno et musique classique.
Le spectacle a tenu l’intérêt par les lumières bien d’avantage que par le son ou encore la dramaturgie. Cela restera une expérience intéressante, nous pourrons dire que nous y étions… Mais qu’allions nous faire dans cet espace ce soir là ? Perdre toute référence un moment, toute notion du temps et de l’espace, du beau et de l’intime, ne donne que d’avantage envie, et furieusement, de retrouver la construction terrestre et surtout musicale des chefs d’œuvres intemporels.
Lost with no futur in this Space …
Hubert Stoecklin
Compte-rendu concert. Toulouse ; Halle-aux-Gains, le 6 Avril 2018. Lost in Space. Création de Jeff Mills. Prabhu Edouard, Tabla. Jeff Mills, DJ. Orchestre National du Capitole de Toulouse. Christophe Mangou, direction.