Toulouse la Russe
Quel concert ! Artistes russes, musiciens russes et âme russe en sa magnifique générosité ont été à l’honneur. Il est peu de dire combien ce concert a signifié les immenses progrès de notre orchestre. Quelle puissance, quelle aisance ! Vladimir Spirakov immense violoniste et chef russe a su obtenir de l’orchestre de Tugan Sokhiev une dimension élargie. La superbe ouverture sur Romeo et Juliette de Tchaikovsky a magnifiquement sonné dès les sombre murmures de l’orchestre. L’ émotion a été magnifiquement développée par le chef qui a su laisser jouer l’orchestre avec une grande générosité. Sonorités affirmées, couleurs somptueuses et nuances généreuses que de beauté au service de l’émotion !
Le tragique et la violence de l’histoire des amants de Vérone si admirablement compris par Tchaikovsky ont porté aux larmes. La pureté du son , la parfaite répartition dans l’orchestre ont donné comme une précision au scalpel qui a stimulé l’écoute.
Les variations sur un thème Rococo sont un chef d’oeuvre d’une délicatesse inouïe. L’hommage rendu à l’élégance classique d’un Haydn ou mieux d’un Mozart , la précision de l’écriture la fluidité des thèmes , tout cela fait de cette partition un moment de grâce. Vladimir Spirakov sait doser à la perfection la puissance de notre superbe orchestre. La jeune violoncelliste Anastasia Kobekina dans une robe jaune printanière d’une fluidité folle a enchanté , et le mot est à prendre littéralement, le public, le chef et les musiciens de l’orchestre. Son don total à la musique est ravissant. Ses sourires généreux presque extatiques sont une bénédiction. Et sa sonorité est merveilleusement délicate et pure. Les traits de virtuosité passent comme un vol de papillon. Tout n’est que fluidité et légèreté sous les doigts de la belle russe. Le tempo est pondéré permettant de déguster tout cette musique entre virtuosité et charme. L’entente entre le chef et la soliste est parfait avec une écoute mutuelle idéale. Les musiciens de l’orchestre sont comme galvanisés par cette entente incroyable et donnent le meilleur d ‘eux même.
La soliste charmante, souriante et heureuse a été fêtée par le public et son bis extrait d’une suite de Bach a prouvé son tempérament dansant et son bonheur de jouer. Les applaudissements nourris ont pris tout leur temps pour remercier une artiste si belle.
En deuxième partie les danses symphoniques de Rachmaninov ont permis au chef de pousser l’orchestre dans ses retranchements. Quelle incroyable progression depuis l’enregistrement de ces même danses en 2010 sous la direction pourtant enthousiaste de Tugan Sokhiev. Ce soir la générosité de l’orchestre est incroyable. Cordes soyeuse et ensorcelantes de leurs larmes, cuivres brillants et profonds, bois charnus, percussions diaboliques.
Cette ultime opus symphonique de Rachmaninov est peut être son chef d’œuvre tant il a fait sien le langage romantique qu’il a toujours affectionné mais qu’il a enrichi des audaces harmoniques et de l’originalité de l’orchestration des plus modernistes que lui. La citation d’un thème de sa première symphonie si décriée, le Dies irae en filigrane, le final en forme d’apothéose ont su se mélanger pour soutenir la puissance du compositeur en sa douleur dépassée de compositeur symphonique.
La puissance de cette âme russe a débordé de vitalité . L’entente merveilleuse entre le chef et l’orchestre a permis une osmose si réussie que Toulouse est devenue Russe le temps de ces danses.
La salle comble a fait un triomphe au chef et à l’orchestre. Un grand et beau concert! La preuve est faite: l’Orchestre du Capitole développe les qualité acquises avec son chef, et les chefs invités peuvent chacun lui demander toujours plus. Vladimir Spirakov exigeant et précis a su en tirer la quintessence de l’âme russe pour notre plus grand bonheur.
Hubert Stoecklin
Toulouse ; Halle-aux-Grains, le 11 mars 2016 ; Piotr-Ilitch Tchaikovsky (1840-1893) : Romeo et Juliette, ouverture Fantaisie ; Variations sur un thème rococo pour violoncelle et orchestre, op.33; Sergueï Rachmaninov : Danses symphoniques op.45 ; Anastasia Kobekina, violoncelle; Orchestre National du Capitole de Toulouse ; Direction : Vladimir Spirakov.