Samedi soir, l’église toulousaine accueillait l’ensemble vocal À Croche Chœur de Pechbonnieu et les Chanteurs Pyrénéens de Tarbes pour un récital placé sous le signe de l’éclectisme.
Il y en a eu pour tous les goûts. Dans la touffeur austère d’un édifice religieux surchauffé, les deux phalanges réunies par le Rotary Club de Balma ont gratifié l’assistance d’un festival polyphonique haut en couleur, plein d’entrain et d’heureuse diversité. En première partie de soirée, les cinquante chanteurs d’À Croche Chœur, menés par le jeune chef-arrangeur Martin Feuillerac, firent admirer leur polyvalence à travers une programmation aussi riche que variée. La pureté harmonique de la Renaissance tardive (O vos omnes, Gesualdo), les fioritures mozartiennes (Sancta Maria, mater Dei), l’impressionnisme et ses couleurs mordorées (Dieu ! Qu’il l’a fait bon regarder, Debussy), l’évocation joviale des ambiances bavaroises (The Dance, Elgar)… autant de grandes expériences sonores, magnifiées comme il se doit par des exécutants qui, s’ils sont amateurs, n’en connaissent pas moins la musique, et sur le bout des doigts ! Le répertoire sacré tient ici toute sa place, mais le folklore français (Frère Jacques) est également de la partie, à l’instar de la chanson à texte (Bruxelles, Brel), rehaussée par les harmonisations subtiles de Martin Feuillerac, auteur d’un savoureux medley regroupant six des plus fameux titres de Charles Aznavour. Au rayon des curiosités, on repère une ode pacifiste composée par Joseph Kosma (Un jour viendra) et, surtout, une admirable exécution chorale du générique de la série à succès Game of Thrones (The rains of Castamere).L’interprétation du « tube » Hegoak, merveilleux symbole de l’identité basque, clôture la performance sur une note mélancolique. Elle permet à la frange masculine du groupe, largement inférieure en nombre, d’imposer enfin sa patte vocale, et introduit opportunément le second temps fort du concert…
On aurait grand tort de ne voir qu’un pompiérisme rustique dans les prestations des Chanteurs Pyrénéens. Car ces interprètes chevronnés, dépositaires ancestraux d’une parcelle de l’âme occitane, révèlent volontiers aux oreilles affutées les trésors de raffinement qu’ils dissimulent sous des abords tonitruants. Bien sûr, le crescendo et le fortissimo restent prépondérants – ils ne furent pas de trop pour affronter l’acoustique ingrate de l’église Saint-François -, mais la science du diminuendo, autrement délicate, est poussée à son plus haut degré de subtilité par la formation de Bernard Noguès, arborant fièrement le costume des guides pyrénéens du XIXe siècle.Tournés vers un même désir d’harmonie, les quatre pupitres (ténors, seconds ténors, barytons, basses) s’accordent pour façonner une osmose unique en son genre, qui n’a pas manqué, samedi, d’exciter la musicalité naturelle des mélomanes toulousains. Le répertoire choisi pour l’occasion respecte les canons du genre : chansons traditionnelles d’Alfred Roland (Montagnes Pyrénées, La chasse à l’Isard), hymnes du « païs » (Se canto), cantiques gascons (Bona mair deu Bon Diu), hommages rendus aux artistes régionalistes (reprise du Simon de Nadau), le tout agrémenté de quelques morceaux de bravoure extraits du patrimoine lyrique international (Va, pensiero ; Gloire immortelle de nos aïeux). La surprise du chef – et quel chef inspiré ! – se trouve constituée par un choix d’airs populaires américains, puisés aux sources du gospel (Oh when the saints ; When the stars begin to fall) et du cinéma (The Rose), qui apportent à la soirée une touche d’exotisme bienvenue. Au final, un moment musical de grand style et un public debout au moment du dernier salut. Merci aux interprètes, aux chefs de chœur et au Rotary balmanais pour cette heureuse initiative, qui en appelle beaucoup d’autres.
Alexandre PARANT