Charge émotionnelle à son maximum. Après une minute de silence à laquelle se joignent l’orchestre, le chef et Cecilia Bartoli, le concert débute par une ouverture orchestrale qui, évacuons-le tout de suite, nous permet de signaler l’extraordinaire ensemble que constitue I Barocchisti, orchestre de musiciens jouant sur instruments anciens. Sans oublier le chef Diego Fasolis, démonstratif à l’envie, enthousiasmant d’un bout à l’autre de la soirée. La diva a trouvé l’accompagnement magistral qui sied le mieux à son tempérament sans vouloir diminuer le talent des formations précédentes avec lesquelles elle a pu se produire sur cette scène. Sa prestation est un véritable récital opératique.
Je vous préviens, il va m’être très difficile de ne pas être dithyrambique !! Je considère ce concert comme son meilleur à Toulouse. Démonstration est faite que notre diva assoluta dont l’empathie n’a d’égale que son talent n’a pas de concurrent possible. Qu’elle me pardonne l’image, mais son chant semble se bonifier toujours davantage comme un très très grand cru classé !! c’est époustouflant de bout en bout et d’une maîtrise absolue. Une leçon de chant inouï de cette musicienne hors pair dans ce répertoire. Captivant. Chaque air est vécu de la première note à la dernière. Chaque inflexion soulève des torrents d’admiration. Tout comme les montées dans les aigus et les descentes dans les graves. Chaque tenue de ligne sur un souffle sans fin nous tétanise. Ses rafales de vocalises, hors de toute esbroufe et démonstration, nous subjuguent tout autant. Les roulades méritent le label “Bartoli“. Les expressions du visage mieux maîtrisées illustrent colère comme peine ou désespoir ou joie ou résignation désespérée. Et, n’oublions pas, c’est bien un corps qui chante comme elle le dit si bien. La preuve est manifeste. Si vous avez manqué toute la colère exprimée de Sesto dans La Clemenza di Tito de Hasse, tant pis pour vous, de même que toute l’émotion difficile à contenir dans l’aria de Ruggiero dans l’Orlando furioso de Vivaldi.
Pastor che a notte ombrosa – aria de Demetrio dans Seleuco de Francesco Araia, accompagné par le hautbois de Pier Luigi Fabretti fut une sensationnelle leçon de chant. Auparavant, la première partie s’achevait sur trois compositions d’un illustre inconnu pour la plupart d’entre nous, un dénommé Hermann Raupach, présent sur le dernier CD. D’abord, la Marche de Altsesta, puis l’aria d’Altsesta chanté en russe ! sublime lamento, suivi de l’aria de Laodice dans Siroe, re di Persia. Ici, foin des prouesses vocales. Les vocalises sont bien là mais sans rajouts et maniérismes. Simplement un sens des nuances toujours aussi renversant.
Et puis, le programme est admirablement construit permettant entrée et sortie, pause orchestrale dans un récital ne laissant aucun répit aux plus de deux mille spectateurs présents. Ceux-là ils ont bien fait de venir, et ont pu ainsi apprécier le professionnalisme d’une artiste qui a su surmonter la journée épouvantable qui faisait suite à cette soirée d’horreur présente à l’esprit de tous, évidemment. Cecilia Bartoli a ressenti l’atmosphère de la salle, et a lutté pour ne pas se laisser submerger, même si, un instant il a fallu faire un passage non prévu derrière la scène pour se ressaisir, serrer les poings et revenir plus déterminée que jamais. Détermination on le sait, héritée d’une mamma toujours présente d’ailleurs ! Et qui lui a aussi insufflé ces qualités majeures que sont courage, discipline, opiniâtreté et, patience, patience !
Ovation, public debout, que du bonheur. C’était le huitième récital à la Halle dont le premier avait été doublé. Un récital qui s’est pratiquement déroulé sans quintes de toux, ou presque ! un vrai événement ! Après Lang Lang, quelle semaine !
On pourra revenir en arrière avec mon article annonce pendant que le site Grands Interprètes vous renseignera sur les deux bis donnés après un récital ayant tenu toutes ses promesses.
Michel Grialou