« Comrades » un film de Bill Douglas
Ce film fait écho au dernier Ken Loach, Jimmy’s Hall. Et pour cause, il reprend le même thème de l’injustice, celle qui, dans ce Royaume pas si Uni que çà, voit une classe de riches propriétaires, appuyée par l’Eglise, maintenir dans une condition quasi d’esclavage toute une population de fermiers, ne leur donnant qu’à peine de quoi survivre en échange d’un labeur harassant. Au point que ces derniers en viennent à ne plus faire d’enfants dans la peur de ne pas pouvoir les nourrir ! Jusqu’au jour où l’un d’entre eux décide de les réunir afin de peser dans leurs revendications auprès des propriétaires. Une ébauche de syndicat aux allures mal définies de franc-maçonnerie voit le jour. Ils vont être trahis et une poignée d’entre eux, à la suite d’un procès totalement factice, est exilée pour sept ans de travaux forcés en Australie. Nous sommes dans les années 30 du 19ème siècle. L’histoire est on ne peut plus authentique. Comrades, qui veut dire Camarades en anglais, est signé du réalisateur britannique Bill Douglas (1934-1991). Il aura mis huit ans à tourner ce film, trois fois monté puis finalement présenté au public dans sa forme définitive en 1987. En plein thatchérisme ultralibéral, sa sortie fut confidentielle… Il n’arrive en France qu’aujourd’hui. Et c’est la révélation d’un véritable chef d’œuvre autant dans la direction d’acteurs inconnus (quel bonheur !) que dans la lumière, la mise en scène, les cadrages et la musique (dont une partie est signée Hans Werner Henze !). En dehors de tout dogmatisme révolutionnaire, cette histoire nous est transmise au travers d’un montreur d’ombres itinérant, fil rouge astucieux qui nous permet également de suivre l’évolution technique qui amènera, bien plus tard, au cinéma. Le martyre de ces fermiers est un modèle de combat et de fraternité.
Robert Pénavayre