Une Messe en si d’un équilibre admirable.
Pouvoir écouter la Messe en si dans le temps de l’ Avant est très agréable tant l’ harmonie et les beautés multiples de cette partition conviennent parfaitement à ce temps de fête à venir. Les Grands Interprètes ont invité le jeune chef Raphaël Pichon et son ensemble Pygmalion créé en 2005. A pas encore 30 ans, Raphaël Pichon a beaucoup de cran pour affirmer ainsi son amour pour la musique allemande et Bach tout particulièrement. Le résultat dans ses deux enregistrements chez Alpha des Missa Brevis et de la première version de 1733 de la Messe en si sont magnifiques de promesses. Mais la Messe en si en concert dure deux heures sans entractes et met à mal facilement ses interprètes. Ce soir le public n’a pas complètement rempli la vaste Halle aux Grains et c’est bien dommage tant ce concert a été marqué par une une grâce peu commune. D’abord la disposition sur la scène a intrigué. Le choeur avec de gauche à droite les sopranos et les alto au premier rang est attendu, mais les basses et les ténors juste derrière sont à l’inverse de l’habitude. L’orchestre également voyait au premier plan les flûtes et les hautbois devant les violons et les violoncelles. En fait le croisement des basses, chanteurs à gauche derrière et les cordes graves et bassons à droite devant, assure une parfaite stabilité et un équilibre solide. Tout d’ailleurs dans cette interprétation sera d’un équilibre admirable à tous les sens du terme. Le choeur comprend 30 chanteurs et l’orchestre est d’une présence toujours agréable dans cette disposition particulière. Il se révèle capable de tout, avec des moments solistes, des récitatifs accompagnés et des tutti toujours exacts. La direction de Raphaël Pichon est d’une grande souplesse et d’une précision confortable à la fois. Il insuffle à tous ces musiciens et chanteurs un plaisir de faire la musique ensemble perceptible à tout moment de la salle. Des musiciens dansants, des choristes épanouis et des chanteurs souriants font ensemble la plus belle musique qui soit. Les voix solistes sont toutes agréables avec une parfaite maitrise des exigences de la partition. Eugenie Warnier au timbre lumineux est un premier soprano planant. Anna Stéphany plus proche du mezzo a une belle couleur ambrée et un médium très velouté. Le contraste est très musical dans le Christe eleison. Damien Guillon au timbre d’une homogénéité parfaite fait naitre une émotion délicate dans l’Agnus Dei. Daniel Behle a une voix de ténor agréable et une facilité d’émission lui permettant de paraitre parfaitement à l’aise à chaque instant. Seul Konstantin Wolff, présenté comme basse, est un peu en difficulté avec un instrument modeste. Il est mis en difficultés dans les extrêmes graves et aigus de ses si difficiles parties. Les solistes instrumentaux, si nombreux dans les airs accompagnés, sont tous admirables dans leur appariement aux voix. Le phrasés communs font à chaque fois de belles volutes aériennes. Une mention particulière pour les progrès réalisés en terme de justesse et de vélocité par tous les instrumentistes baroques, tout particulièrement les trompettes sans clefs et le cor naturel. Quand on se souvient des premier enregistrements sur instruments anciens on peut paraphraser Debussy : Instruments anciens mais avec le confort moderne…
Le choeur, un vrai choeur qui permet d’avoir trois par partie dans les doubles choeurs, est absolument merveilleux d’engagement et de beauté vocale. Chaque pupitre est d’une homogénéité parfaite capable de nuances très accentuées avec un contrôle parfait de la couleur. Les pupitre sont équilibrés entre eux à la perfection et les moments fugués sont des pures délices. Les phrasés demandés par Raphael Pichon sont d’une souplesse de chaque instant et la réactivité du choeur est parfaite. Le lien orchestre, choeurs solistes fonctionne à merveille. On sont un travail d’équipe généreux et une écoute totale de chacun. La liberté qui se dégage de cette interprétation est jubilatoire. Nous pouvons affirmer que Raphaël Pichon et son ensemble Pygmalion sont de très grands musiciens rendant totalement hommage au génie de Bach. Ils nous ont offert un grand moment de musique partagée. Le public a été gratifié d’un grand bonheur ce soir. Le succès a été retentissant avec une ovation particulière et tout à fait mérité pour le choeur.
Hubert Stoecklin
Toulouse. Halle Aux Grains, le 16 décembre 2013. Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Messe en si mineur, BWV 232. Eugenie Warnier et Anna Stéphany, sopranos ; Damien Guillon, alto; Daniel Behle, ténor; Konstantin Wolff, basse; Ensemble Pygmalion. Direction, Raphaël Pichon.