« The immigrant », un film de James Gray
Le vérisme est une école autant littéraire que musicale qui s’est développée en Italie à la fin du 19ème siècle. Son but était de s’éloigner de tous ces dieux et autres rois et reines qui peuplaient l’opéra pour mettre en scène les gens du peuple, les paysans, dans leurs tourments de tous les jours. Le dernier opus de James Gray s’inscrit parfaitement dans cette esthétique misérabiliste, la soulignant par différents emprunts musicaux, Caruso himself inclus, que tout lyricomane identifiera immédiatement. Débuts des années 20 du siècle dernier. Deux sœurs polonaises, Ewa et Magda ont fui l’Europe et tentent d’intégrer les Etats Unis. Tout d’abord il faut franchir le centre de tri d’Ellis Island. C’est là que Magda, soupçonnée de tuberculose, est séparée de sa sœur et envoyée en quarantaine. De son côté, Ewa ne va devoir son salut qu’à l’intervention de Bruno, quadra bien sûr lui, qui traîne dans le centre et semble bien connaître les policiers. Il emmène Ewa chez lui et aura tôt fait de la prostituer. Seule lumière dans cet enfer, Orlando, le cousin magicien de Bruno. Mais il est trop tard, Bruno est tombé fou amoureux d’Ewa. Le drame va se consommer, peut-être pas comme vous l’imaginez… Somptueusement filmée, romanesque jusqu’à plus soif, cette réalisation se laisse voir avec plaisir, même s’il lui manque un brin d’émotion. A vrai dire, Marion Cotillard (Ewa) est si peu expressive que certains commentateurs vont jusqu’à la comparer à une star du cinéma muet. Est-ce vraiment un compliment et une surprise ? Joaquin Phoenix (Bruno) et Jeremy Renner (Orlando) animent l’action et lui donnent un peu de chair et de sang comme seuls des acteurs américains savent le faire. Ce film, un brin autobiographique n’est peut-être pas le meilleur de James Gray, mais sa beauté formelle est sidérante.
Robert Pénavayre