(consulter sur le site, les deux articles précédents) : ils vous renseignent déjà sur l’ouvrage. Suit une première impression, à chaud !
Après Tannhäuser en juin qui nous avait permis de titrer, Bayreuth-sur-Garonne, nous faisons mieux en septembre avec ce titre, non usurpé, si l’on sait que Bayreuth n’a jamais accueilli cet opéra sur la Colline, sur ordre ou plutôt vœu de Richard Wagner, vœu respecté jusqu’à ce jour, même si le modeste village verra enfin cette immense partition arriver cet été mais pas dans la fameuse salle. Il passera d’abord par une autre dite le Gymnase, et qui sait, un jour, finira bien par grimper la colline, enfin reconnu.
Rienzi se retrouve donc avec pratiquement le statut de création, non pas mondiale, mais création tout de même, à Toulouse comme en France si l’on ne remonte pas au-delà de …1869 !! Et si l’on met de côté deux spectacles en version de concert à Montpellier puis à Paris.
Création, donc un immense avantage car cela supprime les comparaisons avec quelques très rares productions passées, comparaisons seulement à la portée d’une poignée de spectateurs qui ont pu assister à un Rienzi monté sur une scène internationale, essentiellement allemande.
Nous ne nous permettrons pas ici le moindre commentaire sur l’œuvre de jeunesse de Richard Wagner, ni aucune comparaison avec les chefs-d’œuvre qui viendront par la suite, du moins déclarés tels, par les “wagnérophiles“. Par contre, nous allons nous empresser de remercier l’audace et louer l’énorme prise de risque du Théâtre du Capitole et de son Directeur artistique Frédéric Chambert. Il fallait oser, c’est fait. Et ce fut à la première, un triomphe, n’ayons pas peur des mots. Mais pour aller jusqu’au triomphe, il fallait quoi ? Plusieurs ingrédients. D’abord, un Rienzi, il était là, n’attendant sûrement que ça, chanter ce rôle impossible à Toulouse, le heldentenor Torsten Kerl. L’aisance est confondante dans une tessiture si tendue que l’on redouterait à chaque instant la fêlure si le chanteur ne nous rassurait pas, radieusement.
Ensuite, des chœurs car Rienzi est un opéra pour chœurs. Près de 90 choristes ont occupé la scène, par groupe, ou tous, sans faille aucune, ayant , à n’en pas douter, accompli un énorme travail sous la houlette d’Alfonso Caiani, leur Directeur, le Chœur du Capitole comme le Chœur de l’Accademia Teatro alla Scala de Milan. Une ovation amplement méritée. Profitons-en pour louer les astuces de mise en scène afin de faire, intervenir, entrer et sortir de telles masses, sans donner dans le « je rentre par la gauche, je sors par la droite ».
La production était placée sous l’autorité, et le mot est sûrement faible ! donc, sous l’autorité du chef qu’on ne présente plus à Toulouse, Pinchas Steinberg. Dès l’ouverture, on savait, comme pour Tannhäuser avec Hartmut Haenchen, que quelque chose allait se passer. Quelques coupures, paraît-il, mais, sur plus de trois heures de musique tout de même, la fosse allait nous emporter, et peu importe quelques, longueurs ? ou passages plus…faibles ? Wagner est bien là, un Wagner de jeunesse surtout dans les derniers actes, un Wagner dont la frontière avec un jeune Verdi semble bien ténue, un compositeur que l’on devine, mais à l’évidence, pas à chaque mesure. Un orchestre à la tâche, qui, en grande forme, restera au sommet.
On ne détaillera pas la distribution qui n’a pas présenté une seule faiblesse, et l’on s’étonnera simplement, car une rareté chez Wagner, d’avoir un rôle masculin défendu, brillamment d’ailleurs par une mezzo-soprano, Géraldine Chauvet. Adriano est même le second rôle dans la distribution. Le Messager est aussi confié à une voix féminine.
On se doit aussi de signaler, tout comme Frédéric Chambert s’est plu, à juste titre de le rappeler, que tout ce travail ne peut être possible et se réaliser que grâce à tous les corps de métiers qui œuvrent dans l’enceinte du Théâtre, et qui ont permis une réalisation scénique demandant d’énormes moyens, mise en scène, décors, costumes et lumières, tout l’ensemble placé sous la direction de Jorge Lavelli, récemment passé par Toulouse pour le Simon Boccanegra. La lecture de ses intentions, et tout ce qui a pu le guider dans sa réalisation, nous est livré dans un programme qui mérite à double-titre l’investissement car c’est un numéro de l’Avant-Scène Opéra qui s’appuie sur le spectacle monté à Toulouse. Et il ne coûte que 10€ !!
Sur scène, foins d’antiques et autres, pas de Rome du XIVè, ni de Colisée, mais une relecture à laquelle le livret se prête fort bien, Rienzi ou Le dernier des tribuns, et qui ne relève pas obligatoirement des trois S, sang, sueur et stupre, tant à la mode. Ni Hitler, ni Franco, ouf ! L’esthétique de la laideur n’est pas au rendez-vous non plus. A vous de juger. Remercions le metteur en scène pour nous avoir aussi épargné le spectacle des sempiternelles banderoles revendicatives et pire encore, ces vidéos qui polluent l’œil et arrivent même à détourner les oreilles.
En résumé, un spectacle pour lequel la Ville, et bien sûr tout le personnel qui œuvre au sein du Théâtre, ne peuvent que manifester une certaine fierté. Vous avez compris le message, si vous le ratez, tant pis pour vous.
Il reste quatre dates, le 3, le 7, le 10 et le 14.
Michel Grialou