« Des hommes sans loi », un film de John Hillcoat
1931, comté de Franklin, Virginie. La prohibition (1919-1933) bat son plein aux Etats Unis et la campagne, de nuit, ressemble à un sapin de Noël tant les distilleries clandestines y abondent. Evidemment, pour fabriquer cet alcool tant convoité, les trafiquants font feu de tout bois, n’hésitant pas à distiller de l’écorce de bois, de la pomme, du maïs, de la pomme de terre et bien d’autres produits afin de réaliser le précieux breuvage qui, au passage, pouvait servir de carburant pour les voitures ! Le nombre de morts et d’handicapés (cécité) dus à l’ingestion de cet alcool est incalculable. Le réalisateur australien se base ici, pour son scénario, sur le roman historique de Matt Bondurant, descendant de la célèbre fratrie qui s’opposa aux forces gouvernementales visant à stopper le trafic d’alcool. Ils sont trois frères, Jack (Shia LaBeouf), Howard (Jason Clarke) et Forrest (Tom Hardy). Chacun a son caractère, mais très clairement le jeune Jack veut faire dans l’industriel alors que la distillerie clandestine de la famille coule des jours « tranquilles » au format petite entreprise. Pas d’autre solution que de traiter avec une star de la mafia, le trop célèbre Floyd Banner (Gary Oldman). Sur leur route se dresse l’ambigu Rakes, toujours tiré à quatre épingles et parfumé comme il est peu l’habitude dans ce comté. Il représente l’ordre et la loi. En principe… Entre fin du western et apparition de l’épopée des gangsters, deux mythes qui ont fait une partie de la légende américaine, ce film nous montre un pays en pleine construction. Justice arbitraire, police corrompue, gangsters rivaux, violence, soif de réussite, sentiments aussi, toute la panoplie est présente dans cette réalisation somptueusement filmée, s’attachant avec beaucoup d’acuité à nous dépeindre cette typologie d’hommes et de femmes qui ont bâti l’Amérique actuelle. A voir, indiscutablement.
Robert Pénavayre