Le pub de St-Peter-of-the-Kitchens est en ébullition : bière, catches et verbe haut devant les télés qui crachent un Scotland-something. Rugby of course.
King Arthur est une étrange œuvre lyrique : les principaux protagonistes ont des rôles parlés, les parties de chœur sont concentrées dans la première moitié, bref, on jouera plutôt Didon et Enée. Ouverture.
Erreur, aujourd’hui c’est bien Arthur. Emergeant de sa boîte, un chapeau melon bonimenteur explique cette histoire inextricable.
C’est par SMS qu’Arthur reçoit les instructions de Merlin, haut-de-forme blanc sur échasses. Conon, en treillis et rangers, scrute l’horizon de ses jumelles infrarouges. Philidel ne manque pas d’air avec son œil périscopique ; Grimbald est flanqué d’un ventre de terre à grande bouche.
La mise en scène d’Olivier Baert, harmonieuse osmose du fantastique et de l’humour, fait fi des difficultés du livret et du lieu. Au pupitre devant l’orchestre, mais derrière les chanteurs, Gilles Colliard dirige en ubiquité, relayé par les télés du pub. Le chœur, bien préparé par Rolandas Muleïka, et malgré quelques départs hasardeux (il faut regarder la télé !), commente l’action de belle manière.
Présence vocale et scénique affirmée du baryton Jean-Christophe Fillol successivement Grimbald – sorte de Quasimodo
fourbe, Génie du froid – alpiniste transi en blouson et bonnet, et Eole – Clément Ader (bien entendu). On regrettera cependant un What power art thou who from below chevrotant, qui privilégie l’humour aux dépens de l’esthétique. Juliette Paimblanc, en artiste confirmée, rayonne d’espièglerie en Philidel. Hasard ou nécessité de la distribution, l’Arthur de Jean-Sébastien Astolfi paraît bien effacé face à l’Oswald arrogant et musclé d’Etienne Rey. Ce dernier signe le réglage du combat des chefs, admirablement réaliste. Jessica Laryennat est une lumineuse Emmeline à la cécité touchante, cependant qu’Alexandre Rives-Lange devra s’affirmer pour enchanter de manière crédible.
Entre l’orgie de Eyes wide shut et les dominos masqués de Don Giovanni, How happy the Lover a la grâce sulfureuse d’Audrey Marchal et de Cindy Virazels, sirènes sur stilettos aux voix magnifiquement agiles et envoûtantes. Les sylvains succombent.
Catch final, joyeux retour à la réalité : il faut déjà rendre Saint-Pierre aux examens de fin d’année.
(Photos : Catherine Tessier)
Chronique à retrouver sur Una Furtiva Lagrima