Pour résumer l’esprit qui gouverne à l’élaboration de cette nouvelle saison à la charge, entièrement, de son directeur actuel Frédéric Chambert, ces quelques lignes de Vladimir Jankelevitch, écrivain français disparu en 1985, me paraissent suffisamment éclairantes : « Nulle part les méconnus, les mal connus et les inconnus ne sont plus nombreux que dans le domaine de la musique. Une vie entière ne nous suffirait pas si nous entreprenions de réhabiliter ce peuple obscur des génies délaissés, si nous voulions faire reconnaître ces trésors abandonnés dans la nuit de la méconnaissance. »
Faut-il insister un brin sur l’intérêt que peut représenter le Théâtre du Capitole pour la ville de Toulouse et sa région, et leur rayonnement international? Théâtre qui n’est pas seulement, comme j’ai pu hélas l’entendre dire sur une radio il y a quelques jours encore, un gouffre financier au service des riches !!!!!!! – on voudrait bien – mais une véritable ruche où se retrouvent des dizaines de métiers officiant dans un bonne centaine d’ateliers, plus un Chœur de professionnels, une troupe de Ballet reconnue sur le plan international, 98 levers de rideau avec tous ces différents corps de techniciens, ……et des chanteurs, chorégraphes, metteurs en scène qui peuvent venir des quatre coins du monde.
Une institution toulousaine ouverte à tous les publics, une excellence à la portée de tous, ou presque, car il faut aussi vouloir, des spectateurs de tous âges et de toutes origines. Ne pas oublier enfin que tous les spectacles donnés participent de l’ART VIVANT. On n’est pas au cinéma, on ne refait pas une prise dix fois. Les exigences sont plus conséquentes encore.
Feuilleter la plaquette prend beaucoup plus de temps qu’avant, c’est sûr. C’est pourquoi mieux vaut se la procurer et, de façon très studieuse, se l’accaparer pour se retrouver tout surpris de tant de diversités. Sachez qu’il y a 8 grandes rubriques vous intéressant directement de par leurs spectacles, avec, bien sûr, celle intitulée Opéras, la seule que votre serviteur développera un peu ci-dessous. Maintenant, c’est à vous.
Après une fin de saison avec un magnifique Tannhäuser, musicalement et vocalement, pour une ouverture de nouvelle saison, le Capitole continue avec Richard Wagner. Ce sera un de ses premiers opéras, Rienzi, jamais donné encore ici-même, grand opéra tragique en cinq actes sur un livret du compositeur, et faisant la part belle aux chœurs. Ils seront une centaine de choristes qui participent ainsi à l’événement dirigé par un habitué de la fosse toulousaine, Pinchas Steinberg, un chef qui a fait les beaux jours de la scène du Théâtre en dirigeant nombre de Wagner et Strauss. Après Simon Boccanegra, Jorge Lavelli est de retour pour la mise en scène. Un Wagner, qui ne serait pas tout à fait du Wagner, c’est à découvrir !
Au milieu de Peter Grimes et de Billy Budd, une œuvre originale, Albert Herring – 1947 – délicieuse filouterie, une farce douce-amère de Benjamin Britten, magnifiquement orchestrée pour un petit orchestre. Le livret est inspiré d’une nouvelle de ? Guy de Maupassant !! L’œuvre n’a jamais été donné à Toulouse. A la direction d’orchestre on retrouve David Syrus, programmé dans La Clémence de Titus, et Lady Billows sera Tamara Wilson qui nous avait très agréablement surpris dans Leonora d’Il Trovatore.
Qui connaît les deux ouvrages, Elvida et Francesca di Foix ? Mais si l’on vous dit Lucia de Lammermoor, l’Elixir d’amour, La fille du régiment, Don Pasquale, on pense tout de suite à …Gaetano Donizetti. A l’affiche, ce sera non pas les quatre, mais le dernier cité, chef-d’œuvre de l’opéra bouffe italien, créé un 3 janvier 1843, disparu de l’affiche du Théâtre du Capitole depuis 20 ans.
Fin de saison et début de l’été avec la reprise du Don Carlo de Giuseppe Verdi dans la mise en scène talentueuse de Nicolas Joël, entouré de ses acolytes, aux décors et costumes et lumières, et à nouveau le Philippe II de Roberto Scanduzzi. D’Intino en Princesse Eboli, c’est un de ses rôles fétiches qui lui a valu encore un triomphe à l’Opéra de Vienne il y a peu. Tamar Iveri que nous connaissons si bien à Toulouse, sera Elizabeth de Valois. Pour cette version italienne en quatre actes créée à la Scala le 10 janvier 1884, six représentations qui afficheront bien évidemment complet.
Les premiers jours du printemps 2013 accueilleront « l’opéra absolu », Don Giovanni, Il dissoluto punito ossia il Don Giovanni, de ce cher Wolfgang dans cette même production de Brigitte Jaques-Wajeman. De la distribution, nous connaissons tous les acteurs ou presque, et l’on se plaît à y relever, entre autres, le Leporello d’Alex Esposito.
Rubrique opéra encore, genre opéra-bouffe, mais que d’aucuns classent dans la catégorie “opérette“ de manière à peine condescendante, La Belle Hélène de Jacques Offenbach, non pas cette grosse farce peuplée de jolis airs, mais une histoire farfelue à souhait parcourue de bout en bout par une musique voluptueuse en même temps que drôle. Bien sûr, la mise en scène aura toute son importance, mais si elle pouvait être teintée d’intelligence, de finesse, cela serait tellement plus agréable, en un mot, la plus éloignée possible d’un Jérôme Savary.
Après la consécration par les milieux spécialisés du Polieukt de Zygmunt Krauze donné en novembre dernier en création française, souhaitons le même devenir à la création toulousaine de l’opéra contemporain Written on skin du compositeur britannique George Benjamin, son premier opéra à l’âge de 50 ans, comme Jean-Philippe Rameau ! Fruit d’une coproduction qui se veut européenne, l’œuvre explore les limites du pouvoir qu’un être humain peut exercer sur un autre, ici la figure angélique du Garçon, rôle spécialement écrit pour le contre-ténor Bejun Mehta qui va séduire l’épouse d’un Protecteur, Bejun Mehta, fameux Cyrus dans le Belshazzar de Haendel, qui donnera aussi un récital avec airs du XVIIIè entrecoupés de parties instrumentales par l’excellente Akademie für Alte Musik Berlin.
On en profite pour signaler deux autres récitals d’envergure avec, ni plus ni moins que la soprano finlandaise Karita Mattila et la mezzo-soprano Joyce Di Donato, des récitals très différents par le contenu du programme mais tout aussi captivants l’un l’autre.
Vous devez vous attarder sur les artistes invités des Midi du Capitole qui révèlent toujours d’agréables surprises. Sans parler du Cycle Présences vocales, et la première programmation des Ballets sous l’égide de son nouveau directeur Kader Belarbi, où l’on retrouvera LE répertoire mais aussi de la création dans un double objectif de tradition et de modernité, afin de fidéliser un public le plus large possible. Tous nos vœux de réussite bien sûr.
Impossible de ne pas attirer votre attention sur les concerts – trois – du Chœur du Capitole et leur chef Alfonso Caiani. Ils sont indissociables de la réussite de l’entité Théâtre du Capitole.
Michel Grialou
Frédéric Chambert © Patrice Nin
Théâtre du Capitole © Patrice Nin
Alfonso Caiani © Giovanni Hänninen
Kader Belarbi © William Beaucardet
Site Internet du Théâtre du Capitole