D’abord bassoniste, Marc Minkowski aborde très jeune la direction d’orchestre. À dix-neuf ans, il fonde Les Musiciens du Louvre, ensemble qui prendra une part active au renouveau baroque et avec lequel il défriche aussi bien le répertoire français (Lully, Rameau, Campra, Marais, Mouret, Rebel, Mondonville…) que Handel (premiers enregistrements du Trionfo del Tempo, d’Amadigi et de Teseo, mais aussi Ariodante, Giulio Cesare, Hercules, Semele, les motets et la musique d’orchestre), avant d’aborder Mozart, Rossini, Offenbach, Bizet ou Wagner.
Ce qui ne l’empêche pas de sillonner l’Europe, avec ou sans son orchestre, de Salzbourg à Bruxelles et d’Aix-en-Provence à Zurich (Il Trionfo del Tempo, Giulio Cesare, Agrippina, Les Boréades, Fidelio, La Favorite), en passant par la Musikfest Bremen .
Régulièrement à l’affiche de l’Opéra de Paris (Platée, Idomeneo, Die Zauberflöte, Ariodante, Giulio Cesare, Iphigénie en Tauride, Mireille) et au Châtelet (La Belle Hélène, La Grande-Duchesse de Gérolstein, Carmen, Les Fées de Wagner en création française), on l’aperçoit aussi dans d’autres théâtres parisiens, notamment l’Opéra Comique où il ressuscite La Dame blanche de Boieldieu, dirige en 2002 Pelléas et Mélisande de Debussy pour le centenaire de l’ouvrage, Cendrillon de Massenet en 2011; mais aussi à Venise (Le Domino noir d’Auber), Moscou (création scénique de Pelléas en Russie, spectacle d’Olivier Py), Berlin (Robert le Diable, Il Trionfo del Tempo en 2012), Amsterdam (Roméo et Juliette, les Iphigénies, en Aulide et Tauride, à l’automne 2011), Vienne au Theater an der Wien (Hamlet en 2012) ou au Staatsoper où les Musiciens du Louvre Grenoble furent en 2010 le premier orchestre français à se produire dans la fosse (Alcina de Handel).
Directeur musical du Sinfonia Varsovia depuis 2008, Marc Minkowski est également l’hôte régulier d’orchestres symphoniques avec lesquels son répertoire évolue de plus en plus vers le XXe siècle de Ravel, Stravinsky, Lili Boulanger, Albert Roussel, John Adams, Henryk Gorecki ou Olivier Greif.
Souvent invité en Allemagne, il dirige également le Los Angeles Philharmonic, les Wiener Symphoniker, le Mozarteum Orchester et la Camerata Salzburg, le Cleveland Orchestra, le Mahler Chamber Orchestra, le Swedish Radio Orchestra, le Finnish Radio Orchestra, l’Orchestre National du Capitole de Toulouse, jusqu’au tout jeune Qatar Philharmonic Orchestra.
Après le succès remporté en 2009 par les Musiciens du Louvre Grenoble et leur fondateur au Wiener Konzerthaus lors d’une intégrale des Symphonies londoniennes de Haydn enregistrée live par Naïve – leur éditeur exclusif depuis 2007 -, la même salle les accueillera de nouveau pour l’intégrale des Symphonies de Schubert en 2012.
Marc Minkowski a été nommé directeur artistique de la Mozartwoche à Salzbourg, dont il assumera la programmation à partir de l’édition 2013. En juin 2011, il a inauguré «Ré Majeure», le festival qu’il a créé sur l’Ile de Ré.
Les Musiciens du Louvre Grenoble
Marc Minkowski, direction musicale.
Fondés en 1982 par Marc Minkowski, Les Musiciens du Louvre Grenoble font revivre les répertoires lyriques et symphoniques des périodes baroque, classique et romantique sur instruments d’époque.
Depuis trente ans, l’Orchestre s’est fait remarquer pour sa relecture des œuvres de Handel, Purcell et Rameau, mais aussi de Haydn et Mozart ou plus récemment de Bach. Mais il est aussi reconnu pour son interprétation de la musique française du XIXe siècle : Berlioz (Les Nuits d’été, Harold en Italie), Bizet (L’Arlésienne), Massenet (Cendrillon)…
Parmi leurs récents succès lyriques, on remarque Cosi fan tutte de Mozart au Festival de Salzbourg, Alcina de Handel à l’Opéra de Vienne et Il Trionfo del Tempo e del Disinganno de Handel au Staatsoper de Berlin.
2012 verra notamment la conclusion du cycle Schubert avec l’enregistrement par Naïve de l’intégrale des symphonies à Vienne et une tournée européenne avec La Passion selon saint Matthieu de Bach.
En résidence à Grenoble depuis 1996, subventionnés par la Ville de Grenoble, le Conseil général de l’Isère, le Conseil régional Rhône-Alpes, le ministère de la Culture et de la Communication (DRAC Rhône-Alpes), l’Orchestre développe de nombreuses actions d’éveil, de sensibilisation et de promotion de la musique classique sur le territoire “rhônalpin“ via l’Atelier des musiciens du Louvre Grenoble.
Franz Schubert
Symphonie n°7 en si mineur “Inachevée“, D. 759*
1. Allegro moderato
2. Andante con moto 25mn
Symphonie n°8 en ut majeur, “la Grande“, D. 944*
1. Andante – Allegro ma non troppo
2. Andante con moto
3. Scherzo : Allegro vivace avec Trio
4. Allegro vivace 60 mn
* Numérotation de la « New Schubert Edition – Urtext »
« Je ne sais faire qu’une chose, composer de la musique. L’état devrait me payer pour ça. » Franz Schubert.
Symphonie n°7 en si mineur “Inachevée“, D. 759
A l’ombre de Beethoven, Schubert fut formé dans l’admiration de Haydn et de Mozart, une admiration qui, dans le cas de Haydn surtout, se mua en un culte émouvant et sincère.
« Franz Schubert, un artiste “un maître” de moindre talent peut-être que les autres grands musiciens, mais qui avait cependant entre tous, reçu de la nature, le génie musical le plus fécond qu’il prodiguait à pleines mains, et un cœur généreux (les fameuses rencontres appelées Schubertiades), en sorte que les musiciens trouveront encore pendant de nombreux siècles de quoi nourrir leur inspiration, de ses idées, et de ses inventions ». Friedrich Nietzsche (1844-1900) écrivain, philosophe
Peu de compositeurs ont été autant défigurés par la légende que Franz Schubert. Génie méconnu, mort à trente-et-un ans après une vie passée plus ou moins dans la précarité, amant malheureux qui offrit pourtant au monde ses plus belles mélodies, Schubert compose un personnage pathétique à souhait, que des films, des romans faciles et de nombreux « journaleux » ont entretenu sous couvert de bonnes intentions.
Dans le même temps où Ludwig van Beethoven compose ses grandes œuvres de la troisième et dernière période, Schubert écrit la totalité de la sienne. En quatorze ans, ce seront douze Symphonies ou assimilées, des dizaines de partitions pour musique de chambre, quatre cent cinquante deux Danses pour piano ! Vingt deux Sonates pour piano, un peu de musique religieuse, rien que neuf Messes et trente œuvres chorales. Il est aussi l’auteur de vingt musiques de scène. Si on ajoute six cent trente quatre lieder avec piano ! Cinquante trois compositions pour chœurs d’hommes,… et quantités d’œuvres vocales à deux ou trois voix…Plus de mille œuvres au total, pas toutes achevées, et dont bien peu étaient connues au-delà du cercle de ses amis proches et de quelques musiciens. Certaines d’entre elles, et pas des moindres ne seront diffusées qu’après sa mort, quand elles furent jouées pour la première fois, et enfin éditées.
Pour réaliser une œuvre aussi phénoménale en quatorze ans, deux conditions au moins paraissent indispensables :
– la première, il faut un génie musical d’une inépuisable fécondité.
– La seconde, c’est l’application au travail. Quelle incroyable puissance de travail ne fallait-il pas rien que pour copier cette œuvre colossale ! « Il abhorrait tout ce qui était contrainte (le travail selon une heure fixe). Mais, il était un compositeur extraordinairement fécond et appliqué » dira de lui un proche. Il compose avec une régularité scrupuleuse. Ses copies sont faites avec une netteté et avec un soin dignes d’un maître d’école, qu’il est d’ailleurs puisqu’ assistant de son père, instituteur, ce travail lui évitant alors des années au service de l’armée. En ce temps-là, en Autriche, être maître d’école impliquait aussi d’être musicien ! Son frère, Ferdinand est aussi enrôlé dans le même métier. Il trouve sa tâche, fastidieuse! Franz, lui, trouvera cela … « suppliciant » ! …
“Unvollendete”, “Incompiuta”, Unfinished”, à propos de l”Inachevée”
“Inachevée”, mais d’une écriture totalement aboutie, cette Symphonie résume à elle seule l’art d’un compositeur arrivé au sommet, à vingt-cinq ans… Tous les plus grands chefs ont tenté et tentent toujours de percer les mystères de cette symphonie paradoxalement inaboutie.
Depuis la découverte de sa partition, la Symphonie “inachevée“ a nourri l’imagination de ses admirateurs. Même ceux qui ne sont pas habitués des salles de concert connaissent au moins les thèmes du premier mouvement. Et dans le public l’opinion est encore largement répandue que le compositeur fut surpris par la mort pendant qu’il travaillait à sa partition. La réalité est tout autre, enfin, une partie. La symphonie est restée inachevée mais on ne sait si son compositeur a vraiment voulu la terminer, ou bien ne savait comment, ou bien…(voir plus loin, d’autres interprétations).
La tradition divise l’ensemble de ses œuvres en trois périodes. Après celle du fameux Sturm und Drang, où le lied tint la première place, la seconde période fut surtout consacrée à la musique instrumentale. C’est aussi le moment où Schubert doit lutter pour imposer sa personnalité face à Beethoven. La troisième et dernière période, le temps de l’accomplissement, fut inaugurée par la Symphonie en si mineur. Il l’écrit en 1822, alors âgé de vingt-cinq ans. Il compose les deux premiers mouvements et les huit premières mesures du troisième, un scherzo avant d’abandonner la partition. De grandes œuvres virent le jour après comme la célèbre Wanderer-Fantaisie (1822), les derniers quatuors, des sonates pour pianos, de nombreux lieder toujours, la Symphonie en ut majeur, dite la Grande.
L’idée erronée selon laquelle la Symphonie “inachevée“ serait sa dernière ne s’explique pas seulement par son caractère fragmentaire, mais aussi par sa découverte tardive, qui imposa une chronologie inexacte. Elle fut en effet créée le 17 décembre 1865, à Vienne, trente-sept ans après sa mort quand la partition fut retrouvée chez un de ses plus proches amis. Souci de protéger les pages noircies, ou de les dissimuler ? D’aucuns y réfléchissent. Par contre, la Symphonie rebaptisée N°8 la Grande fut connue dès 1838 grâce à Robert Schumann qui retrouva un double de la partition chez Ferdinand, frère de Franz.
La ou les raisons pour lesquelles Schubert n’acheva pas la partition risquent de rester pour toujours mystérieuses. Ni l’examen des causes psychologiques profondes, ni l’évocation des déceptions sentimentales ne pourront guère fournir d’explications plausibles et il est fort probable que les véritables raisons sont de nature bien plus prosaïque. Schubert vient enfin de comprendre comment monnayer ses partitions car, même s’il a alors une certaine renommée, les éditeurs ne sont pas du tout généreux. Pour gagner plus, il faut travailler plus, non pas à l’écriture des symphonies, mais plutôt à celle des lieder, des œuvres pour piano et de la musique de chambre.
Si on laisse ici, de côté les premières symphonies calquées sur les modèles classiques, en particulier de Haydn et de Mozart, on peut noter qu’avec les deux seuls mouvements de la Symphonie en si mineur, Schubert s’engage sur des voies nouvelles, même s’il ne renonce en aucune manière à l’esthétique de la forme classique. Une tonalité personnelle, une sonorité nouvelle se dégagent de ses compositions pour l’orchestre, qui semblent, comme jamais auparavant, puiser à la source de la Nature et du paysage autrichien une inspiration qui traverse toute la musique du XIXe et qui se retrouve sous des formes diverses, chez Anton Bruckner et chez Gustav Mahler.
L’extrême popularité de la Symphonie en si mineur lui vient surtout du thème secondaire du premier mouvement. Introduit sous forme d’une phrase très élégante et discrète par les violoncelles et les contrebasses, il se poursuit avec l’intervention frémissante des violons renforcés par les pizzicatos des altos, violoncelles et contrebasses, puis de la clarinette et du hautbois, qui jouent le thème principal, de sonorité douce et confidentielle. Les violoncelles reprennent alors le célèbre thème, une sorte de ländler qui rappelle la douce mélancolie des mélodies populaires, une des inspirations les plus géniales de Schubert, une merveille de fluidité mélodique, qui réconcilie musique populaire et idéal classique.
Avec ses crescendos et ses rythmes lents, le deuxième mouvement baigne à son tour dans une atmosphère claire et lumineuse. Aujourd’hui, il paraîtrait presque sacrilège qu’un scherzo s’ajoute à ces deux superbes mouvements et qu’un rondo en forme la danse finale.
Ainsi, concise, poétique, dramatique, c’est bien au titre d’inachevée que la Symphonie en si mineur est un chef-d’oeuvre accompli.
L’effectif orchestral est le suivant : les bois par deux, 2 cors, 2 trompettes et 3 trombones, timbales et les pupitres de cordes.
Cet effectif est le même pour la Symphonie n°8 dite “la Grande”.
Symphonie n°8 en ut majeur, “la Grande”, D. 944,“La grande”, un des triomphes de la période du début du Romantisme.
« Cette symphonie nous entraîne dans des régions que nous n’avions jamais explorées auparavant :
La symphonie, arrivée à Leipzig, fut entendue, comprise, réentendue et joyeusement, presque universellement, admirée. L’éditeur Breitkopf & Härtel acheta l’œuvre et sa propriété, et la voici maintenant devant nous en parties, peut-être bientôt en partition, comme nous l’avions désiré pour l’utilité et le profit du monde entier. Je le déclare tout de suite et tout net : qui ne connaît pas cette symphonie ne connaît encore que peu de choses de Schubert, et certes, après ce que Schubert a déjà donné à l’art, cela peut sans doute passer pour une éloge à peine croyable.(…)
Ici, outre la magistrale technique musicale de la composition, c’est la vie dans toutes ses fibres, le coloris jusque dans la plus subtile nuance, l’expression la plus pénétrante de chaque détail, et, enveloppant le tout, ce romantisme qu’on connaît déjà si bien chez Franz Schubert. C’est cette ampleur toute divine de la symphonie, pareille à un grand roman en quatre tomes, une œuvre de Jean-Paul, par exemple ; s’il ne semble jamais finir, c’est pour mieux laisser le lecteur imaginer la suite !
Comme cela rafraîchit, ce sentiment de richesse partout. Si on ignorait que cette symphonie est précédée de six autres et qu’elle a été écrite dans la plus mûre force de l’âge, on ne pourrait concevoir où Schubert a puisé du premier coup cette maîtrise, cette supériorité rayonnante qui se joue dans le maniement de l’orchestre. Celle-ci est d’ailleurs étonnante de la part d’un compositeur qui a si peu entendu exécuter ses œuvres instrumentales. Le maniement des instruments est si original, soit en particulier, soit dans la masse de l’orchestre, qu’il semble qu’on entende des voix humaines et des chœurs se mêler et se répondre les uns aux autres(…)
L’introduction pompeuse et romantique donne tout de suite cette impression de sécurité, bien qu’ici encore tout paraisse enveloppé des ténèbres du mystère. La transition de ce début à l’Allegro est aussi absolument neuve : le tempo ne paraît se modifier en rien, et nous avoir abordé sans savoir comment. Mais disséquer chaque paragraphe l’un après l’autre ne nous apporterait aucune joie : il faudrait transcrire la symphonie toute entière pour donner une idée du caractère de nouveauté qui souffle au travers . Je ne puis toutefois quitter la seconde partie sans une mention. Elle nous parle avec des voix si émouvantes. On y trouve un passage où un cor lance un appel qui semble très lointain…On dirait que cela nous arrive d’une autre sphère. Ici, du reste, tout est aux écoutes, comme si quelque hôte céleste rôdait à travers l’orchestre. Oui, cette symphonie a agi sur nous comme aucune ne l’avait fait encore depuis celles de Beethoven(…).
Le maître – Felix Mendelssohn-Bartholdy – qui l’a étudiée avec une sollicitude si attentive et qui a rendu l’exécution superbe, a prononcé quelques paroles que j’aurais voulu pouvoir rapporter à Schubert comme la plus haute bonne nouvelle qui pût être pour lui. Des années s’écouleront peut-être avant qu’elle soit devenue familière à l’Allemagne ; mais il n’y a pas de danger qu’on l’oublie ou qu’on y fasse pas attention : elle porte en elle l’éternel principe de la jeunesse. » Robert Schumann – Ecrits – 1839
« Divines longueurs », dira encore Robert Schumann car, en effet, avec toutes ses reprises, la symphonie peut durer plus d’une heure. On compte près de mille deux cents mesures dans le Finale.
La postérité aura réservé un sort bien difficile aux œuvres symphoniques de Franz Schubert d’où les difficultés de numérotation rencontrées. Déjà le XIXe siècle ne prêta guère d’attention aux six symphonies écrites entre 1814 et 1818. Le public les considéra comme des œuvres de jeunesse sans importance, avant de reconnaître le génie de Schubert, mais bien plus tard, et sur les œuvres symphoniques ultérieures, surtout. Alors, huit, neuf, dix symphonies ? Combien de complètes, d’inachevées ? Grâce aux archives du compositeur, on sait aujourd’hui que cette « grande symphonie » – qui allait devenir la Symphonie en ut majeur – fut commencée dès 1825 ou 1826. On sait encore qu’il a tenté de la faire exécuter en 1828, mais elle fut jugée trop longue ! et trop difficile !, surtout le Finale avec trop de mesures pour les violonistes !
Et si l’on osait une sorte d’interprétation littéraire typique de 1828 ? Du style : « Un jeune homme se met en route avec ses compagnons pour faire un pèlerinage à travers la Vie, avec le plus grand enthousiasme. Il prend de mauvais tournants, mais retrouve son chemin. Il lui arrive des tragédies (deuxième mouvement) mais il continue sa route.
Ayant fait face à ces dangers, il se détend avec des danses et des chants (troisième mouvement). Et dans une affirmation de la nature et de l’humanité, il finit son voyage dans la sagesse et dans la joie. »
Quelques mots sur les quatre mouvements.
Dans l’Andante initial, avec sa lente introduction et son allegro rythmé, d’aucuns pensent retrouver l’influence de la Septième de Beethoven, si l’œuvre ne baignait dans une tonalité tout à fait différente, qui ouvre à l’orchestre les voies d’un monde sonore tout à fait nouveau. Un thème en huit mesures, sorte d’appel mystérieux, joué à l’unisson par les deux cors, suggère à la fois le motif, le matériau thématique et la tonalité de l’œuvre. Il détermine l’atmosphère du paysage sonore. Il s’amplifiera jusqu’ à « décharger une puissance tellurique ». Malgré son rythme alla breve, Schubert impose à l’Allegro un tempo modéré par l’indication « ma non troppo » – ce que les interprètes ne respectent pas toujours ! A partir du motif principal et du thème secondaire, exécuté par les vents sur un rythme de danse, le mouvement se déploie en d’amples passages contrastés qui lui procurent une extraordinaire tension dramatique. La grandeur tient précisément à l’alliance des contraires. Le céleste et l’infini y sont contrôlés plus que nulle part ailleurs.
De ce Schubert qui étire un temps plus épique et contemplatif que véritablement dramatique, on a pu lire : « L’impatience à atteindre un but et une fin lui est étrangère. Il faut l’écouter comme on écoute un conteur : les divagations, les digressions, les parenthèses ne gênent ni ne retardent l’essentiel, elles le constituent. »
L’Andante con moto concilie comme aucun autre mouvement lent du compositeur, le maximum de lyrisme au maximum de dynamisme. De façon symptomatique, le puissant sommet d’intensité qui, intervenant au début de la reprise, est suivi par le silence le plus vibrant de toute l’œuvre de Franz Schubert, conduit à des moments de suprême magie lyrique.
Le Scherzo débute par un thème joyeux, vif et bien charpenté qui s’oppose à l’envol d’une valse viennoise de la meilleure tradition et le développement est bien de nature à balayer la mélancolie de l’andante que le trio tente de rappeler. Mais la reprise du scherzo rejette toute hésitation.
L’Allegro vivace du dernier mouvement constitue un des finales les plus monumentaux de tout le répertoire, dont on souhaite ardemment entendre toutes les reprises. Il est parcouru d’un bout à l’autre par les deux idées émises d’abord, deux idées très courtes, qui se répondent et se complètent, et dont l’une sonne comme un appel tandis que l’autre impose une vie rythmique particulière. C’est la joie victorieuse, l’affirmation de la puissance vitale retrouvée qui n’exclue pas les joyeuses flâneries du rêveur impénitent qu’était Schubert. Une courte référence à l’Hymne à la Joie est un nouveau salut à Beethoven et ce finale qui prend des allures de ländler n’en est pas moins d’une grandiose architecture. C’est le trémolo très doux des violoncelles qui annonce la coda finale, apothéose gigantesque de deux cent mesures dont le rythme persistant – toujours les mêmes quatre notes – et la pulsation irrésistible marqueront le triomphe de la marche en avant.