Cassandre des temps actuels
« Tous aux abris », telle pourrait être la libre traduction du titre de ce deuxième long réalisé par Jeff Nichols. Son premier, « Shotgun stories », nous avait entraînés dans l’univers ultraviolent de l’Amérique profonde. Celui-ci est une parabole des hantises de ce continent face à la crise économique et sociétale qu’il traverse. Cette peur du lendemain va se cristalliser dans la tête de Curtis, marié et père d’une petite-fille muette, sous la forme d’une paranoïa qui va le mettre au ban de la société et l’éloigner de son travail. Seule sa femme (admirable Jessica Chastain), par amour, le suivra dans son délire. Ce délire, c’est la hantise d’une tornade qui va tout ravager. Curtis (fantastique Michael Shannon) va donc construire un abri souterrain. Et il se dépêche car des visions et des cauchemars de plus en plus récurrents lui démontrent l’imminence de la catastrophe. Finalement, celle-ci va arriver… Bien sûr ils vont s’en sortir, mais l’angoisse ne disparaît pas pour autant. Serait-elle-même contagieuse ? La fin du film, sur ce point, est complètement tétanisante. Grand prix de la Semaine internationale de la critique à Cannes en 2011, Grand Prix du jury au festival de Deauville la même année, ce film est un monument. Superbement maîtrisée, la mise en scène est d’une efficacité de chaque instant. Dans un savant labyrinthe de scènes oniriques et réelles, Jeff Nichols ne nous prépare pas du tout, avec habileté, à un dénouement qui vous cloue au fauteuil par sa soudaineté et le vertige qu’il vous occasionne. Et qui vous laisse libre et perdu au milieu de vos propres peurs.
Robert Pénavayre
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