Beata est Maria… et nous aussi…
Marc – Antoine Charpentier (1643-1704) : Magnificat , Litanies et Motets.
Vincent lièvre-Picard, hautecontre; Sébastien Obrecht : taille; Jean-Manuel Candenot : basse.
Les Passions; Direction: Jean-Marc Andrieu.
Marc-Antoine Charpentier n’a pas bénéficié du succès mérité à la cour de Versailles, tout du moins au niveau de l’opéra. Mais il a exercé dans les chapelles princières et Louis XIV lui-même venait écouter sa musique chez le Dauphin. Ce n’est pas seulement le caractère ombrageux de Lully qui a diminué le succès de Charpentier, sa musique, même lorsqu’elle se veut grandiose, pensons à son envahissant Te Deum, garde une grande finesse et une classe suprême qui n’était peut être pas assez démonstrative pour la cour du Roi Soleil. C’est cette élégance et cette finesse que nous propose de déguster Jean-Marc Andrieu qui a choisi une collection de pièces délicates et subtiles dans son enregistrement. Il y associe trois voix d’homme et un petit orchestre. Les voix choisies sont celles de trois jeunes artistes qui ont des voix s’associant à merveille. Vincent-Lièvre Picard possède la voix exacte de haute-contre. Il s’agit d’une voix de ténor aiguë, douce et brillante à la fois, qui jamais ne chante en force y compris dans les notes les plus hautes. Cette aisance dans le haut de la tessiture lui permet de briller sans efforts apparents.
Dans nombre de pièces il a la mélodie la plus repérable et c’est également lui qui lance certains brillants ensembles. Le timbre de Vincent-Lièvre Picard est magnifique et sa diction parfaite permet de toujours comprendre le texte. Juste un peu plus médium mais brillant d’une belle nuance également, le jeune Sébastien Obrecht est admirable de ligne et son timbre plus moiré a une lumière rare, on le nomme taille cela correspond à un ténor de grâce dans les répertoires à venir. Jean-Manuel Candenot assure le soutien des deux autres voix. Son timbre de baryton-basse est moins repérable mais son grain serré est agréable. Les musiciens sont répartis également sur trois hauteurs, violon, flutes à bec, flutes traversières. Une basse de violon, un théorbe et un clavier (orgue ou clavecin) assurent le soutien et la basse continue. Ces constructions étagées savantes permettent une grande variété d’atmosphères. Des diverses pièces l’ouverture avec le magnificat hypnotique qui fait tant d’effet au concert met la barre très haut. Nous tenons là une interprétation vive et souple qui, avec une grande lisibilité permet aux voix de s’épanouir sur la répétition d’une basse continue entêtante. Pour terminer le CD ce sont les belles Litanies de la Vierge H. 84 qui permettent aux chanteurs d’oser des couleurs mourantes et des nuances évanescentes.
Quelle subtilité dans ces frottements entre les voix ! Entre ces deux chef d’oeuvres marquants diverses pièces de la même délicatesse se suivent pour une écoute très agréable. Trois pièces purement instrumentales échangent l’orgue pour la clavecin.
La qualité de l’enregistrement réalisé dans l’Abbaye de Sorrèze fait de ce lieu un superbe studio d’enregistrement. Voix et instruments sont très lisibles et l’équilibre entre eux est très naturel.
Hubert Stoecklin