8 Juillet-25 Septembre 2011
Le Conseil Général de la Haute-Garonne rend un hommage essentiel à la grande artiste Odile Mir, avec une rétrospective remarquable de ses œuvres allant des sculptures aux livres-objets, en passant par les lavis, les cuirs. Plus de cinquante ans de création sont enfin réunis dans cette exposition d’envergure nationale. Depuis des sculptures des années 1975 jusqu’à des triptyques récents de 2011 comme cette transgression du mythe d’Ariane dans Subversion du Labyrinthe.
Le cadre somptueux du château de la Renaissance de Laréole offre un écrin idéal aux nombreuses pièces et affine notre perception. En effet seul l’espace extérieur rend justice à l’espace du dedans porté par sa création. Ce fut déjà le cas à l’Abbaye de Beaulieu, mais ici à Laréole tout est exalté. D’abord il faut savoir que plusieurs des œuvres d’Odile Mir étaient en grand péril, et grâce à l’aide et à l’accueil du Conseil Général la plupart ont pu être restaurées et rendues à leur beauté aveuglante.
La qualité de l’accrochage, la justesse des lumières voulues, permettent un voyage extraordinaire dans l’univers d’Odile Mir.
« Mes œuvres doivent faire vibrer l’air » dit Odile Mir, et ici l’air vibre et flamboie. De salle en salle on peut découvrir ou revoir des jalons fondamentaux du parcours artistique exigeant et constant d’Odile Mir. Ainsi La Césarine, La femme aux bandelettes, La marelle, Le char des chiens, La Rouge surtout, Thèbes, l’installation de La pastorale rendue enfin à sa douce lumière d’utopie, mais aussi des lavis, des livres en hommage à ses chers poètes – René Char, Maurice de Guérin, Hans Arp, Paul Celan, Hölderlin…- nous rappellent qu’Odile Mir est parmi les plus grands artistes de notre temps.
En parcourant ce monde ici rassemblé, on peut en percevoir la trajectoire et surtout la cohérence. Odile Mir entre ses songes d’Ariane et sa réhabilitation de Lilith nous parle de liberté, d’insoumission, de cris contre l’incertain du monde ou plutôt contre son trop certain. La puissance et l’insolence bienfaisante de son œuvre sont le révélateur de ce que nous portons en nous et avons oublié sous le poids des cultures et des asservissements. Elle nous exhorte à arracher nos liens, nos bandelettes.
L’œuvre d’Odile Mir est une œuvre de transgression qui remontant aux origines en dénonce les oppressions ajoutées, qui ont tenté de tenir en laisse la liberté sauvage. Pendant son long chemin de création totalement contrôlée, réfléchie, et qui passe au travers des différents matériaux comme autant de rites de passage – plâtres, cuirs portant les stigmates du temps, papiers encollés ou flottants dans l’infini, métal soudé ou tordu dans le geste de l’inspiration -, le même appel vers la recherche de notre part essentielle, fondamentale, qui fait que nous passons dans ce monde ambigu, au milieu de signes énigmatiques. Et les songes d’Ariane prennent forme et s’avèrent bien autres que ce qu’on nous en avait transcrit dans la dévotion à l’homme et la peur du monstre, qu’il fallait taire en nous.
L’entrée de l’exposition s’opère par le portique de trois sculptures réunies pour constituer l’Énigme.
Ce symbole fort caractérise le questionnement permanent d’Odile Mir sur l’homme et son destin, sur le temps, et te le tragique du monde. Les mythes fondateurs qu’elle détourne, lui permettent de dire cela. Elle aura toujours voulu retrouver « l’être fondamental » en chacun de nous.
L’œuvre d’Odile Mir est une suite de points de rencontre entre le chaos originel et le tragique de notre temps.
Cette exposition mérite un retentissement bien au-delà de notre région. Elle est de l’envergure de celles actuellement visibles à Paris ou à Montpellier.
Cette exposition que le Conseil Général a offert à Odile Mir, après avoir déjà justement célébré Juan Jorda aux Olivétains, est un des actes les plus forts de sa politique culturelle.
Il faut y courir et accourir, et dans le paysage magnifique de ce château se déploie un aussi magnifique paysage d’âme.
Gil Pressnitzer