Une nouvelle rencontre musicale au sommet réunit l’Orchestre national du Capitole et le grand violoniste russe Vadim Repin sous la direction de Tugan Sokhiev. Le concert du 5 mars explore deux faces complémentaires de la musique russe du XXème siècle incarnées par deux compositeurs majeurs, Alexandre Glazounov et Dimitri Chostakovitch. Le concerto pour violon du premier et la douzième symphonie du second brossent le portrait contrasté d’un patrimoine riche et complexe.
Né en 1971 à Novossibirsk, dans cette Sibérie profonde éloignée des centres internationaux d’activité musicale, Vadim Repin est rapidement devenu l’un des très grands violonistes du moment. Donnant son premier concert à l’âge de sept ans, il apparaît sur les estrades internationales dès 1989, année qui l’a vue devenir le plus jeune lauréat du prestigieux Concours Reine Elizabeth de Belgique. Il revient cette saison à Toulouse, où il a déjà recueilli les plus vifs succès, pour interpréter le concerto pour violon et orchestre de Glazounov en compagnie de l’Orchestre du Capitole et de son chef Tugan Sokhiev. Cet artiste, dont on fête partout le talent exceptionnel, cet homme tranquille, d’une grande simplicité et d’un contact chaleureux et direct, porte haut la grande école russe de violon. Il possède la double nationalité, russe et belge.
Le Concerto pour violon de Glazounov, qui date de l’année 1905, représente une sorte d’apogée du (post)romantisme slave. Il constitue un concentré de mélodies au charme immédiat, aux rythmes et aux dynamiques entraînants. Œuvre brillante, d’une virtuosité époustouflante, cette partition est rapidement devenue un cheval de bataille de tous les grands virtuoses de l’archet, mais reste malheureusement trop peu joué de nos jours.
Tugan Sokhiev et l’Orchestre national du Capitole – Photo Marc Brenner –
Poursuivant son cycle des symphonies de Chostakovitch, Tugan Sokhiev nous invite ensuite à découvrir l’une des dernières qu’il ait composées, la Symphonie n°12 en ré mineur, créée en 1961. Dédiée à la mémoire de Lénine, dont on fêtait alors le 90ème anniversaire de la naissance, elle porte finalement le sous-titre plus général « Année 1917 », en hommage aux événements de la Révolution d’Octobre 1917. Le premier mouvement lui-même est assez explicite, avec son indication « La Petrograd révolutionnaire ». Au sein d’un immense crescendo comme il en avait le secret, Chostakovitch évoque les émeutes qui ont éclaté dans la ville – la première étape de la Révolution se met en place. Le deuxième mouvement porte le sous-titre de Razliv, nom de la localité d’où Lénine pilotait clandestinement toutes les opérations révolutionnaires. Le troisième mouvement, Aurore, fait allusion au croiseur qui portait ce nom et qui tira à blanc pour sonner le début de l’attaque du Palais d’Hiver. Ce bâtiment de la Marine Impériale est depuis resté comme l’un des symboles de la Révolution. Le quatrième et dernier mouvement, enfin, s’intitule : « L’Aube de l’humanité ». Le programme s’avère on ne peut plus évident, voire ostentatoire. Cette symphonie applique donc docilement ce qu’attendait de lui le Parti – qu’il vient tout juste de rejoindre, après tant de décennies de défiance. Il est vrai que ses conditions de vie s’étaient considérablement améliorées depuis la mort en 1953 du sinistre Staline.
Les deux faces contrastées de l’âme russe sont donc au programme de ce concert.
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse
Orchestre National du Capitole
Tugan Sokhiev (direction)
Vadim Repin (violon)
lundi 05 mars 2018 à 20h00
Halle aux Grains