Faire le pont à Saint-Gaudens
Pont : partie d’un morceau contrastant avec les autres parties et marquant un changement mélodique et harmonique par rapport au thème principal.
Rendez-vous des jazzfans de la région et d’ailleurs chaque année pour le pont de l’Ascension, Jazz en Comminges prend ses quartiers à Saint-Gaudens du 24 au 28 mai. Fidèle à la formule qui fait son succès depuis 14 ans, l’édition 2017 du festival présente une programmation ambitieuse mêlant grands noms et valeurs montantes de la scène jazz internationale, découverte de talents émergents et tremplins pour musiciens en devenir. Pont entre les générations, pont entre les courants du jazz, pont entre les arts et pont entre les deux rives de la Garonne, du OFF au centre de la ville au IN au Parc des Expositions, le festival cher à Bernard Cadène (qui a encore réalisé l’affiche de cette édition) et au président Pierre Jammes prête à filer la métaphore.
Explorons le menu de ces cinq jours de célébration du dieu Jazz… en Comminges.
En avant-première…
Hugh Coltman en concert au Parc des Expositions dès le 28 avril
En apéritif le vendredi 28 avril, pour donner le coup d’envoi des réjouissances quatre semaines avant le début officiel du festival, le crooner britannique Hugh Coltman rendra hommage à un autre crooner de légende avec un programme intitulé « Shadows – Songs of Nat King Cole ». S’il y reprend à sa manière, entre blues et pop, les standards qui ont fait la gloire d’une des plus grandes voix masculines du jazz, il y esquisse aussi une sorte de portrait de Nat King Cole, un personnage qui le fascine depuis toujours. Hugh Coltman sera entouré de ses quatre musiciens (guitare, piano, contrebasse, batterie) lors de ce concert qui commencera à 20h30. Pour chauffer la salle, la relève musicale locale, représentée par les classes CHAM du Collège Didier Daurat de Saint-Gaudens, aura l’occasion de montrer ses talents en première partie de soirée.
La part belle à la nouvelle vague du jazz dans le IN
Pour la soirée d’ouverture du IN le 24 mai, d’autres jazzmen haut-garonnais seront convoqués sur la scène du Parc des Expositions. Les 16 musiciens du Big Band Garonne, prolongement toulousain du Big Band 31, auront le redoutable honneur de lancer ces cinq jours de festival. Composée de solistes de la ville rose et de ses environs, la formation dirigée par le pianiste Philippe Léogé propose une musique qui se distingue par la puissance de ses cuivres et une rythmique fortement charpentée. Revendiquant la tradition des grands orchestres de jazz tout en y intégrant les sonorités des musiques actuelles, le Big Band Garonne enchaînera à partir de 21h des compositions originales de son leader et de quelques autres membres de l’ensemble. Un concert qui devrait rallier les suffrages de toutes les générations présentes dans le public, idéal pour ouvrir cette édition 2017.
La seconde partie de soirée sera plus exotique puisqu’on y saluera le retour d’Hiromi. La jeune et talentueuse pianiste japonaise avait marqué le festival 2013 lors d’un concert où sa virtuosité et son énergie avaient enthousiasmé les spectateurs. Entre temps, la petite protégée du grand Ahmad Jamal a fait plusieurs tournées mondiales avec sa formation The Trio Project jusqu’à sa rencontre impromptue avec Edmar Castaneda au Montréal Jazz Festival 2016. Saisie par la musicalité du harpiste colombien, Hiromi imagine immédiatement une collaboration qui se concrétise en juillet dernier par des concerts mémorables au Blue Note de New York. La magie de ce formidable coup de foudre musical se poursuit depuis avec une tournée en duo dont la halte à Saint-Gaudens, le 24 mai à 22h50, promet une atmosphère électrique au Parc des Expositions.
Encore un (très) jeune musicien pour le premier concert programmé le jeudi 25 mai à 21h en la personne de Jacob Collier. Jouer ce jour-là sera d’ailleurs très symbolique pour ce multi-instrumentiste de 22 ans en pleine « ascension » vers la gloire depuis que ses vidéos musicales publiées sur YouTube lui ont valu un succès immédiat et planétaire. Parrainé par Quincy Jones et déjà récompensé par deux Grammy Awards, Jacob Collier se produira à Jazz en Comminges en exclusivité française. Formant un groupe à lui tout seul, tour à tour guitariste, claviériste, batteur, contrebassiste, percussionniste, joueur de mélodica et chanteur, le phénomène britannique fusionne jazz, groove, trip hop, gospel, soul, musique traditionnelle, musique classique, musique brésilienne et improvisation. Une personnalité et un mélange iconoclastes qui devraient faire de lui une des grandes attractions de ce festival 2017, notamment auprès du jeune public.
La soirée se poursuivra avec le quintet du trompettiste américain Roy Hargrove. Un retour en Comminges après sa venue en 2010 pour celui qui fut repéré par Wynton Marsalis alors qu’il n’avait même pas 18 ans. Une rencontre décisive et le début d’une belle carrière ponctuée de nombreux enregistrements et de collaborations prestigieuses avec des musiciens et chanteurs aussi différents que Sonny Rollins, Herbie Hancock, Natalie Cole, Diana Krall, Abbey Lincoln ou Diana Ross. Après ce parcours riche et éclectique, Roy Hargove est revenu récemment au jazz acoustique de ses jeunes années en constituant autour de sa trompette virtuose et inventive un quintet de feu. La musique du groupe est décrite comme post bop teintée de groove. Si vous voulez en savoir plus et la découvrir en live, rendez-vous à 22h50 le jeudi 25 mai au Parc des Expositions.
La soirée du vendredi 26 mai et sa première partie seront également l’occasion de retrouver à Saint-Gaudens le pianiste jamaïcain Monty Alexander, trois ans après sa participation au festival 2014. Un bonheur pour beaucoup de passionnés de revoir ce grand musicien qui fut le tout jeune accompagnateur de Frank Sinatra et l’ami fidèle de Ray Brown et Milt Jackson, tous rencontrés à l’orée des années 1960. Plus d’un demi-siècle donc que Monty Alexander promène partout dans le monde son cabinet de curiosités musicales, caverne d’Ali Baba où se côtoient be bop et rythmes des Caraïbes, ballades et calypsos, en restant fidèle à ses mentors Wynton Kelly, Art Tatum et Ahmad Jamal. Un artiste au sommet de son art accompagné par les musiciens de son sextet pour un voyage tout en sonorités chaudes et sensuelles. Ne ratez pas l’embarquement à 21h au Parc des Expositions.
Un autre musicien au nom célèbre lui succédera sur scène à 22h50. Ceux qui aiment les films de Clint Eastwood connaissent sa passion pour le jazz, entre autres grâce à Bird, le beau film qu’il consacra à Charlie Parker. Kyle Eastwood a hérité du virus paternel et a eu la bonne idée de ne pas suivre les pas de son illustre père au cinéma (même s’il a parfois fait l’acteur pour lui dans de petits rôles et s’il compose certaines des musiques de ses films comme Gran Torino) mais plutôt en trouvant sa voie dans le jazz pour devenir un excellent contrebassiste. Le « fils de » s’est fait un prénom et une réputation non usurpée parmi les jazzmen de sa génération. Au Parc des Expositions où il revient après une première apparition en 2010, il sera entouré de quatre musiciens et, spécialement pour ce concert, du saxophoniste Stefano di Battista. Une seconde partie de soirée où l’on devrait entendre beaucoup de morceaux issus de Timepieces, dernier album paru de Kyle Eastwood.
Le samedi 27 mai à partir de 21h, la dernière soirée donnera lieu à un seul concert mais quel concert ! C’est le pianiste et chanteur Jamie Cullum qui refermera la page du IN de cette édition 2017, deux ans après une première prestation décoiffante en 2015. La nature de showman et l’énergie inépuisable du Britannique avaient alors ravi un public sous le charme. Autant dire qu’on attend beaucoup de monde au Parc des Expositions pour cet ultime rendez-vous avec un artiste prêt à tenir la scène pendant des heures en compagnie de ses quatre musiciens. Jazz, blues, pop, soul… Jamie Cullum transgresse les genres et fait ce qu’il veut dans sa musique et ses concerts. Une soirée de clôture du IN qui s’annonce tout aussi explosive qu’imprévisible. Il faut s’attendre à la voir se prolonger tard autour, voire au-delà de minuit, ce dont personne ne devrait se plaindre…
Un OFF touffu, tout flamme dans le centre de Saint-Gaudens
Pour la première fois, le festival OFF se déploiera dans tout le centre de Saint-Gaudens en s’installant dans d’autres lieux que lors des précédentes éditions. Si la Halle aux Grains (Maison du Festival) et à un degré moindre l’auditorium de la Médiathèque seront toujours les deux pôles principaux de la manifestation, s’y ajouteront cette année le Cloître de la Collégiale, les Jardins de la CCI et la Place Jean Jaurès. Près d’une trentaine de concerts sont programmés dans ces points de rendez-vous, ainsi que des stages, master classes, ateliers, expositions, projections de films au cinéma Le Régent… Nouveauté 2017, trait d’union entre le IN et le OFF, des navettes mises à disposition gratuitement par la communauté de communes du Saint-Gaudinois permettront d’effectuer le trajet entre le centre de Saint-Gaudens et le Parc des Expositions en contrebas de la ville.
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Tour d’horizon d’une programmation foisonnante.
Des concerts en veux-tu, en voilà à la Halle aux Grains (Maison du Festival)
C’est par un concert pédagogique que sera inauguré le OFF le mercredi 24 mai à 14h30. Le Mysteretrio Quartet y retracera et expliquera les grandes étapes de l’histoire du jazz au cours d’un voyage musical jalonné de haltes historiques et géographiques. Un concert à partager en famille.
A 17h30, le groupe You get sextape, lauréat du premier Tremplin Jeunes Talents l’année dernière, prendra la suite pour un concert aux rythmes et aux sonorités jazz-funk-hiphop.
Le jeudi 25 mai à 11h, rendez-vous avec le Thibaud Dufoy Trio et son répertoire de standards du jazz réarrangés, saupoudré de quelques-unes de leurs compositions et de chansons françaises revues par leurs soins.
A 15h, le Manel Cheniti trio invite Esaie Cid et son sax alto pour un « Hommage à Dinah Washington », la grande chanteuse surnommée « Queen of the Blues ». Un concert pour amateurs de swing, blues et gospel.
Le Quartet Meajam leur succédera sur le plateau à 17h30 avec son univers original et ses compositions nourries de soul, de jazz funk, de rock et de musique électronique.
Le vendredi 26 mai à 11h, les participants de l’Atelier du conservatoire Guy Lafitte dirigés par Wilfrid Arexis interpréteront des standards issus d’un large répertoire empruntant au jazz et aux musiques du monde.
L’après-midi, à 15h, le groupe Toultoutim, devenu quartet il y a peu avec l’arrivée d’un tuba, offrira au public improvisations et compositions de son leader, le saxophoniste Alain Angeli.
A 17h30, les huit musiciens du groupe So Groovy inviteront la chanteuse Natacha Kanga pour une exploration très personnelle des différentes formes du groove.
Le samedi 27 mai, de 10h à 12h30, un des grands moments du OFF à la Maison du Festival où se déroulera le Tremplin Jeunes Talents. L’occasion de découvrir dans leurs oeuvres les groupes La Cave, Minor League et Guillaume Ramaye Reunion Project..
A 14h, concert du Hadrien Vesjel Trio pour redécouvrir le répertoire de Django Reinhardt, dans la pure tradition du style manouche, et les grands standards du jazz entre swing des années 30 et be-bop de Charlie Parker.
On retrouvera avec plaisir à 16h la chanteuse toulousaine Esther Nourri et son nouveau trio (voix, piano, guitare) dans un concert intimiste où elle reprendra à sa manière les standards de la chanson jazzy.
Puis à 18h, le Trio SVP (batterie, claviers, violon) de la violoniste Stéphanie Pons enchaînera lui aussi une suite colorée de standards du jazz américain, français, cubain… et quelques surprises.
Pour la dernière journée du festival, le dimanche 28 mai, premier concert à 11h donné par l’Atelier des Cycles longs de l’école Music’Halle de Toulouse avec un sextet voix, flûte, trompette, guitare, basse, batterie.
La formation musicale locale sera à l’honneur l’après-midi et ce dès 14h30 grâce au concert des classes CHAM (Classes à Horaires Aménagés Musique) du collège Didier Daurat et du Conservatoire Guy Lafitte de Saint-Gaudens. Puis à 16h, c’est l’Orchestre du Conservatoire Guy Lafitte dirigé par Wilfrid Arexis qui proposera un programme de standards et de compositions originales allant du swing au funk.
Ce même dimanche 28 mai, à 15h mais à l’Auditorium de la Médiathèque, les sept musiciens du groupe Offground Tag dévoileront leur univers où fusionnent jazz et musiques contemporaines.
Bouquet final à 18h à la Halle aux Grains avec le concert du Big Band 65, grand orchestre dirigé par Guy Brunschwig et composé d’une section rythmique, de cuivres, d’un chanteur et d’une chanteuse. Il interprétera un répertoire qui va du jazz traditionnel au jazz moderne, en passant par les rythmes afro-cubains et sud-américains.
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… et aussi au Cloître de la Collégiale, dans les Jardins de la CCI et Place Jean Jaurès
Chaque jour du festival, à divers moments de la journée dans ces trois lieux, des concerts seront donnés par des formations pour la plupart régionales parmi lesquelles le Toulousiana Jazz Band (24 et 26 mai), le Septet Jazz (24 mai), Jazz N’B (25 mai), le Duo Religo (25 mai), Mister G and Friends (25 mai), le Rural Jazz Band (26 mai), Tchicaboom (26 mai), l’Original Jazzpirine Quartet (27 mai), Daryl Kelly & Sim Jones (28 mai).
… et encore beaucoup d’autres choses à voir et à entendre
Le mercredi 24 mai à 18h30, un apéritif dinatoire en musique aura lieu à la Chapelle Saint-Jacques autour de l’exposition Les Prophètes. C’est le Duo Religo qui animera l’événement.
Du mardi 23 au mardi 30 mai, l’association RECUP’ART présentera son exposition Les Machines à jazz composée d’œuvres à base de matériaux de récupération dans le cadre de l’engagement du festival pour le développement durable. Vernissage le mardi 23 mai à 18h au Théâtre Marmignon.
Un Stage animé par le saxophoniste David Pautric, assisté des professeurs du Conservatoire Guy Lafitte, sera proposé du jeudi 25 au samedi 27 mai à l’Auditorium de la Médiathèque, de 9h30 à 12h et de 14h à 16h30. Pendant le stage, un autre saxophoniste, Stefano Di Battista qui sera sur scène avec Kyle Eastwood dans le IN, assurera la Masterclass le vendredi 26 mai à 11h. Un concert de fin de stage ouvert au public terminera ces trois jours d’échanges et de formation le samedi 27 mai, de 16h à 17h, sur la place de la Médiathèque.
Le jazz et le cinéma, nés tous deux au début du XXème siècle, ont des histoires parallèles et parfois communes. Une conférence de Pierre-Antoine Ardonceau, membre de l’Académie du Jazz et chroniqueur à Jazz Magazine, intitulée Jazz et Cinéma : les débuts (1925-1945) sera organisée au cinéma Le Régent le vendredi 26 mai à 18h pour rappeler les connexions entre les deux arts. Le Régent sera également le lieu des Journées Cinéma du festival. Du 25 au 28 mai, trois films consacrés au jazz seront projetés : Born to be blue de Robert Budreau (biopic sur Chet Baker), Silences-Manu Dibango de Béatrice Soulé, et Impro-visIons JAZZ one réalisé spécialement pour Jazz en Comminges par Jean-Pierre Brouat. Un film et deux documentaires qui raviront les passionnés et les curieux.
En amont et en lien avec la projection de ces films, une exposition photos OBJECTIF JAZZ sera présentée à l’Office de Tourisme du Saint-Gaudinois du 20 avril au 31 mai.
S’il faut une fois de plus saluer la qualité, la densité et la diversité de la programmation de cette 15ème édition de Jazz en Comminges, une manifestation qui a su faire sa place et affirmer son identité parmi les festivals de la région, on soulignera aussi l’excellence de son organisation améliorée d’année en année pour le bien-être des musiciens, l’accessibilité et le confort du public. Autant d’atouts et de raisons de ne surtout pas manquer l’occasion d’aller partager la magie du jazz en famille ou entre amis à Saint-Gaudens pour le pont de l’Ascension où 15 000 personnes sont encore attendues cette année tout au long des cinq jours du festival.
Qu’on se le dise !
Pour découvrir toute la programmation de Jazz en Comminges
Tarifs des concerts du IN, réservations et renseignements sur le site du festival : www.jazzencomminges.com