La sortie d’un roman de Frédéric Beigbeder est toujours un évènement littéraire et une curiosité qu’il est bon de dévorer le plus vite possible. Ce dernier opus sans titre, avec pour seul titre l’emoji « 🤣 » achève le trilogie du personnage Octave Parango débutée avec l’excellent 99 Francs et poursuivie avec le très bon « Au secours Pardon » porté à l’écran sous le nom de L’idéal. Après la pub et la mode, Beigbeder s’attaque désormais au monde du rire dans un ouvrage qui ressemble davantage a un essai qu’un roman.
Oui, cela me coute de le dire mais cet ouvrage n’est pas un roman. Un roman crée des personnages, raconte une histoire et nous fait voyager dans un imaginaire inconnu. Dans les anciens opus de la trilogie Parango, on devinait que l’auteur créait son alter-égo littéraire alors qu’ici la nuance est à peine voilée, voire assumée. Non, ce roman ne s’attaque pas au monde des humoristes mais plutôt aux chroniqueurs de gauche qui travaillent sur France Inter, radio de laquelle a été évincé Frédéric après une chronique qu’il n’avait pas préparé. Alors oui, la vision de tous ces humoristes est propre à l’auteur mais avec un peu de recul, difficile de lui donner tort sur de nombreux points : le principe de la radio et celui du montage permet une impunité sans réponse de la part de certains. L’humour est-il toujours au service de la critique gratuite ? Parfois oui et même si Beigbeder tire à boulets rouges sur ses anciens collègues, il vise juste.
Pour le reste, il est complexe de considérer cet ouvrage comme un roman. Son opus précédent « Une vie sans fin » tenait davantage du documentaire de recherche que du roman mais avait le mérite de nous faire voyager avec une trame narrative. Ici, mis à part quelques rencontres ici et là, Frédéric ne crée pas un environnement propice à l’évasion et préfère se concentrer sur le temps qui passe, la fuite définitive des années 80 et la restriction des libertés, son dandysme qui fout le camp, sa notoriété descendante ou le fait que ce n’était pas mieux avant : c’était différent. Un mélange d’autobiographie et d’essai sur la société française actuelle mais vous savez ce qui est le pire : c’est que la plume de Beigbeder fonctionne toujours aussi bien : on engloutit 315 pages en quelques heures en se demandant ce qu’on vient de lire. N’est-ce pas là l’essence d’un livre réussi, après tout ?