Voilà une production qui prouve bien que, lorsque les trois ingrédients sont au rendez-vous, musique, chant et théâtre, l’opéra est le spectacle vivant le plus complet qui soit. Il vous reste trois représentations pour pouvoir apprécier une des plus belles œuvres opératiques du XXè siècle, ce Dialogues des Carmélites, opéra de Francis Poulenc.
On pourra s’imprégner de l’ouvrage en lisant ou relisant mon article d’annonce du spectacle, ainsi que celui de Jérôme Gac sur le blog ici présent.
Première remarque : donné en trois actes et douze tableaux, la mise en scène de départ de l’ouvrage, réfléchie par Olivier Py, de concert avec Pierre-André Weitz pour les décors et costumes a nécessité, paraît-il, 37 mouvements sur scène, niveau machinerie, soit un changement de tableau, soit un changement dans le tableau lui-même, une performance ! et…17 techniciens d’une efficacité telle que le spectateur n’a été dérangé par…rien ! et le déroulement de l’ouvrage ne le fut pas davantage. Une performance récompensée par un salut au rideau final, amplement mérité et exceptionnel, pour tout le staff si efficace en coulisses.
À ces louanges, on en rajoute pour Daniel Izzo, collaborateur artistique, co-responsable de cette réussite, sans oublier un élément devenu maintenant incontournable, les lumières de Bertrand Killy. Quant à la mise en scène, décors et costumes des deux acolytes, ceux qui suivent l’actualité opératique savent que, présentée déjà plusieurs fois sur des scènes diverses, la production n’a suscité que des approbations positives, que l’on partage intégralement. Le côté intemporel de l’ensemble ne souffre d’aucune interrogation, à mon goût. Ne cherchez pas la guillotine, ni des piques avec au bout des têtes de décapités. Lisibilité parfaite tout comme un dépouillement louable, et une direction d’acteurs au millimètre. Il y a des moments très forts dans cette succession des scènes, et celle de l’agonie de La Première Prieure, madame de Croissy est impressionnante, tout comme la scène finale avec chacune de ces malheureuses qui rejoint les étoiles dans ce ciel noir d’encre. C’est fort.
Quant au plateau vocal, je me demande bien ce que l’on pourrait lui reprocher et lequel des intervenant(e)s pourrait mériter l’échafaud. On peut louer les efforts faits par chacun dans la prononciation du français. Pas une défaillance à ce sujet en pensant aux difficultés de ce type de chant demandé ici. Chapeau bas encore aux éléments du Chœur du Capitole ayant participé à la production, avec leur directeur Alfonso Caiani.
Abordons tout d’abord les rôles masculins. Comme on les appelle, les comprimari furent au niveau de tous les autres intervenants, Alfredo Poesina, Laurent Labarbe, Jean-Luc Antoine, Jérôme Boutillier, Vincent Ordonneau, pour ne pas les nommer. Papa et fiston dans la famille des de la Force furent à la hauteur du drame, Jean-François Lapointe avec presque trop de moyens vocaux – je plaisante – et Thomas Bettinger impeccable sur le plan scénique comme vocal. On n’oublie pas les interventions ponctuelles, toujours sujettes à une forme de trac, de Judith Paimblanc, Daniela Guerini-Rocco, Catherine Alcoverro.
Pour suivre, on se plaît à remarquer l’extrême adéquation sur le plan scénique comme vocal de chacune des chanteuses en première ligne. Qui n’a pas été saisi d’émotion par chaque intervention de Jodie Devos et son sourire céleste dans Sœur Constance, l’artiste traduisant à la fois l’espièglerie, le bon sens et une touchante simplicité ? Qui n’a pas souffert avec Janina Baechle, et sa pénible agonie dans une position, de plus, si inconfortable ? Il faut jouer, et chanter un moment pas évident, dans une tessiture qui n’est pas de tout repos. Il faut aller chercher les graves et les faire entendre : exténuant quand on doit chanter couché-debout !!…Une performance. Anaïk Morel me semble avoir tout le tranchant et la rudesse nécessaire dans l’incarnation de sœur Marie, personnage complexe, en face d’une Catherine Hunold rayonnante dans la nouvelle Prieure, les deux avec toute l’aisance vocale attendue. Certains pourront nuancer dans leur jugement. Pas ici. Et, pour clore, peut-être une révélation dans ce rôle bien délicat de Blanche de la Force, avec Anaïs Constans qui se jette corps et âme dans les tourments de son personnage, bouleversante dans ses accès de frayeur, si émouvante à la fin dans sa petite robe noire. Satisfait pour ma part qu’on n’ait pas fait d’elle dans ce rôle, une hystérique mais plus simplement une jeune fille fragile qui n’assume pas tout ce qui l’entoure, qui craque régulièrement mais qui finalement, ira jusqu’au bout. Blanche de la Force n’est pas un pantin désarticulé.
Ce serait très ennuyeux de ne pas dire tout le bien qu’on pense de tous les musiciens, forces vives et motivés de l’Orchestre du Capitole de Toulouse, tous impliqués dans la fosse sous les “ordres“ du chef Jean-François Verdier, soutien sans faille du plateau, démontrant un sens aigu du drame. Plateau et fosse vont de concert et participent ainsi à la réussite de la représentation. Pas un seul flottement malgré la tâche rendue presque impossible par la complexité de la mise en scène.
Billetterie en ligne du Théâtre du Capitole
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