Alexandre Seurat publie Petit frère aux Editions du Rouergue. Roman sensible et pudique qui retrace le destin tragique d’une vie abîmée.
Dès son premier roman, La maladroite, Alexandre Seurat faisait une entrée remarquée dans le monde littéraire. Une plume délicate, un certain art pour décrire les situations et les personnages. Avec Petit frère, l’auteur renoue avec ce style qui tient en haleine sans jamais s’imposer. Et pourtant le sujet pourrait tenir à distance : le suicide d’un frère.
Sonder l’insondable
L’annonce est brute. Le frère du narrateur vient de mourir. Suicide ? Accident ? Les questions sont nombreuses et sans réponse. Le narrateur retourne alors sur les lieux du crime. Dans l’espace confiné et étouffant de l’appartement, il cherche désespérément des indices pour comprendre ce drame. Pour comprendre la vie décadente de ce jeune frère qui a sombré dans tous les excès. Alcools, drogues, violence, mauvaises fréquentations. Puis il retrouve les carnets du défunt. Des textes, des gribouillis, des messages peut-être ? Car cette mort brutale laisse dans le désarroi, l’incompréhension, pire dans la culpabilité.
Réécrire le passé
Chercher une réponse dans les quelques mois qui précèdent la mort n’est pas suffisant. Le récit remonte jusqu’à l’adolescence du disparu. Celle-ci est synonyme de beauté, d’intelligence mais aussi d’agitation, de refus, de colère. Les rapports avec le père sont conflictuels. Il ne supporte pas de voir son fils plonger dans la noirceur. Car toute la famille est témoin de ce naufrage et vit dans l’angoisse continuelle. Puis c’est l’enfance qui est raconté, plus douce, plus apaisée. Mais à y regarder de plus près, on observe les nuages se profiler à l’horizon. Une tension déjà palpable dans l’attente de l’orage qui va éclater.
Le narrateur est assailli par la culpabilité de ne pas avoir senti l’ampleur des dégâts. De ne pas avoir été assez présent. Et surtout ne pas avoir saisi à quel point son frère l’aimait, l’admirait, et avait peut-être besoin de lui.
Alexandre Seurat avec ce roman fraternel signe un récit bouleversant et très personnel. Aucun sentiment ou épisode n’est surjoué dans le but de capter l’émotion du lecteur. Celle-ci vient naturellement au fil des pages en découvrant ces deux frères esquintés par la vie et qui s’aimaient si fort sans jamais oser se l’avouer.
Alexandre Seurat, Petit frère, Ed. du Rouergue, 144 p.
Photo : Alexandre Seurat © Tina Merandon