Humoriste quasi-quinquagénaire et bourrée d’énergie, Elisabeth Buffet présente son troisième spectacle, « Obsolescence programmée ». Il ne lui aura fallu qu’une dizaine d’années de carrière pour investir des institutions du spectacle vivant comme la Cigale ou l’Olympia. Actuellement en tournée, elle sera à la Comédie de Toulouse ce soir et demain pour présenter cette troisième création, dans laquelle elle livre au public sa vision décalée et assumée du temps qui passe. Ringarde, obsolète ou vintage ? Tout est une question de point de vue ! Tout comme le bon vin, je préfère dire qu’elle se bonifie avec l’âge, puisqu’elle a gentiment accepté de répondre à mes quelques questions avant de filer sur scène…
Elisabeth Buffet c’est qui, en quelques mots ?
Un vieux clown qui parle du temps qui passe !
Au cours de ta carrière tu as eu l’occasion de travailler avec des artistes comme Jarry ou Denis Maréchal, que t’ont-ils apporté ?
Les rencontres qu’on fait dans le métier sont toujours intéressantes car chacun a son propre univers, son propre clown… En échangeant avec les autres, on obtient un regard extérieur et on prend du recul sur son propre travail. Des fois, on est tellement dedans qu’on ne sait même plus si c’est de la merde ou si c’est un chef d’œuvre, même si en général ce n’est ni l’un ni l’autre !
Je me suis renouvelée sans me renier.
Tu reviens sur scène avec un nouveau spectacle « Obsolescence programmée ». Qu’y a t il de nouveau la dedans ?
J’aime dire que je me suis renouvelée sans me renier. Mes précédents spectacles parlaient beaucoup de « cul », et là ce n’est plus vraiment la thématique. J’utilise quelques métaphores un peu sexuelles pour illustrer mes propos, mais le sujet est plus tourné sur le temps qui passe. Avec le temps, il y a une espèce de mise à l’écart naturelle qui se crée entre soi et le monde, avec ses avantages et ses inconvénients. J’ai aussi beaucoup travaillé sur l’écriture, qui est plus littéraire et recherchée, même si j’ai aussi gardé la gouaille de mes anciens spectacles pour conserver un équilibre !
Toulouse, c’est une ville que tu connais déjà, en gardes-tu un bon souvenir ?
Ça fait longtemps que je ne suis pas venue à Toulouse donc je suis très contente de revenir. C’est quand même une ville de « cultures », donc c’est un public à la hauteur de ce que j’ai à proposer (rires). En plus, c’est un sujet qui parle à tout le monde, de se moquer de soi-même et de sa vieillerie. Surtout qu’on est tous l’obsolète de quelqu’un, même à 30 ans ! Ça va très vite !
Selon toi, c’est quoi le summum de l’obsolescence ?
C’est tout le sujet du spectacle, qui dure une heure vingt ! Ce sont plein de petites choses, à la fois physique et mentales. Mais c’est vrai que le jour où j’ai sorti mon ticket de bus, chez moi, pour le préparer à l’avance, ça m’a marqué ! Je me suis dit ça y est, je tombe dans des habitudes de vieux, qui préparent tout à l’avance, qui anticipent tout et ne laissent plus de place au hasard !
Donc, tu luttes contre l’obsolescence ou tu t’en accommodes ?
Non je ne lutte pas, c’est plus un constat. En vieillissant, on voit les choses différemment, on a une liberté de jugement, de parole, d’acte… Le but est plutôt de partager avec le public un désarroi et une certaine nostalgie par rapport à certaines choses qui changent.
A force d’être décalée, je peux devenir tendance !
Enfin, voici quelques petits exemples concoctés par mes soins, dis-moi si selon toi c’est obsolète ou non :
- La Duck Face sur les selfies : Je crois que c’est déjà obsolète ça, non ? Mais ça reste une question de point de vue !
- La banane autour de la taille : on est pas a l’abri que ça revienne pas a la mode un jour ! Les claquettes/chaussettes sont bien revenues, pourquoi pas la banane ! Finalement un coup c’est bobo, un coup c’est plouc… Il faut rien changer comme ça à un moment on sera bons !
- Le retour des vinyles : La musique a toujours été meilleure sur un vinyle, dixit les grands spécialistes ! Moi maintenant je n’ai que de la musique dématérialisée, mais c’est quand même vachement bien car c’est un sacré gain de place !
- Parler en verlan : Ah ! J’aime beaucoup le verlan, j’ai très envie de faire un sketch la dessus. Je crois que c’est un peu ringard, il y a des mots qui se disent, d’autres qui se disent plus … Malheureusement quand je parle en verlan j’ai tout de suite l’air d’une vieille qui veut se la jouer jeune, et c’est encore pire ! A m’en donné (toulousain oblige) je crois qu’il vaut mieux assumer son âge et revenir à un français un peu plus académique !
- Envoyer des sextos : Alors ça je ne l’ai jamais fait… Je ne vois pas l’intérêt d’envoyer une aubergine à quelqu’un. Mais bon, ça ne regarde que moi !
- Acheter ses tickets de cinéma au comptoir : Ah ça c’est un truc que je pourrais faire ! La dématérialisation, le sans contact, tout ça… je trouve ça génial ! Et pourtant je n’aurais pas forcément le réflexe de m’en servir. Puis de toute façon je préfère regarder les programmes en VOD chez moi, avec six mois de retard.
- Les albums photos papier : Je trouve ça hyper ringard ! Je suis tombée sur des pubs TV de Noël pour faire ses albums photos et je me suis dit « mais qu’on ne m’offre jamais un truc pareil » !
- Les résolutions du nouvel an : Alors ça c’est pas forcément ringard, c’est juste qu’on est trop jeune pour savoir que ça ne marche jamais ! C’est plutôt de la naïveté que de la ringardise je pense.
- Et enfin, proposer une soirée théâtre à ses potes pour aller voir le dernier spectacle d’Elisabeth Buffet : Ah ben ça complètement tendance ! Comme quoi à force d’être décalée je peux devenir tendance !
Et oui, à l’aube de la cinquantaine, Elisabeth Buffet est toujours à la page et son spectacle est carrément dans l’air du temps. Le temps qui passe, tout le monde y est confronté, chaque jour. Pour accepter l’obsolescence avec le sourire et sans appréhension, venez donc passer un peu de votre temps avec elle, dès ce vendredi à la Comédie de Toulouse !
« Les temps changent… moi aussi. Ne pouvant plus capitaliser sur un physique en faillite, je mise sur un charme intellectuel pour vous régaler de mes débauches oratoires, de mes libertinages lexicaux. Je suis très heureuse de vous présenter mon nouveau spectacle: Obsolescence programmée » Elisabeth Buffet
La Comédie de Toulouse
16 rue Saint Germier • Toulouse
Kiosque Billetterie – Tel : 05 34 44 16 70
Obsolescence programmée de et avec Elisabeth Buffet
vendredi 23 novembre et samedi 24 novembre 2018 (20h00)
https://www.elisabethbuffet.com/
Crédit photo : Julien Benhamou