Le dernier roman de Carole Fives, Tenir jusqu’à l’aube, publié aux éditions L’arbalète/Gallimard, raconte les aventures d’une mère solo qui désire retrouver la liberté.
Que peut-on trouver de condamnable chez une mère célibataire qui élève seule son enfant de deux ans et qui rêve de souffler un peu ? A priori, rien. Or, la nouvelle héroïne de Carole Fives se trouve prise au piège de ce malaise quotidien. D’un côté l’amour débordant qu’elle porte à son fils et de l’autre son désir d’évasion et de paix. Chez elle, les deux ne sont pas réconciliables car elle n’a ni aide, ni soutien. Le père s’est enfui du jour au lendemain sans rien dire. L’enfant le réclame et la mère ne déménage pas dans l’espoir que celui-ci réapparaisse comme par enchantement. Mais il faut bien dire la vérité, ces deux-là vivent dans une solitude profonde. Pas d’amis, pas de cercle social, pas de famille, si ce n’est le grand-père qu’ils voient de temps en temps et qui désapprouve le comportement capricieux de son petit-fils.
Le récit d’une chute.
Alors mère et fils vivent dans un huis clos qui se referme sur eux. La mère étouffe et peine à joindre les deux bouts. Elle est graphiste freelance mais ne trouve plus le temps de travailler et encore moins de chercher de nouveaux clients. Les ennuis se multiplient, les huissiers frappent à la porte, les voisins lui jettent des regards en coin… La mère se retrouve prisonnière comme la chèvre de Monsieur Seguin qui pourtant rêve de gambader dans le monde. Parallèle intéressant qu’utilise Carole Fives pour montrer que son héroïne tire toujours plus sur un fil qui menace de casser à tout moment.
Tenir jusqu’à l’aube
La première fois, elle fera juste le tour du pâté de maison, seule, libre, s’inventant un autre quotidien. L’enfant est resté au lit. L’extase de cette fugue la rend ivre. La fois d’après, elle ira plus loin, mettra une alarme pour ne pas oublier de rentrer. Elle marche dans la nuit, observe les gens, elle respire enfin. Mais peu à peu cet espace de liberté est pollué par la culpabilité. Une mère ne devrait pas faire cela. Elle se met en danger. Et pourtant c’est plus fort qu’elle. Elle a besoin de vivre. Elle tape sur internet LAISSER BEBE SEUL + SORTIR. Elle tombe sur des forums et la sentence tombe : seules des mères indignes peuvent faire de telles choses. Comment prendre de tels risques ? Quand on a voulu un bébé on l’assume, point final ! Elle sait tout cela, elle est d’accord, mais alors comment faire, comment faire pour exister à nouveau ?
Carole Fives relate une histoire sans jamais être moralisatrice. Elle rapporte des scènes qui font partis de la vie et qui sont le quotidien de nombreuses personnes – surtout des femmes – qui vivent en situation de monoparentalité. Elle montre la difficulté de ces situations-là et surtout le regard désapprobateur de la société. En cela les pages qui retranscrivent des échanges sur forums sont édifiants tant ils condamnent sans jamais comprendre. Un roman en somme très réaliste, une écriture ni plaintive, ni doloriste, mais plutôt un récit qui lève le tabou sur ces femmes qui veulent être mère et libre à la fois.
Sylvie V.
Carole Fives, Tenir jusqu’à l’aube, L’arbalète/Gallimard, 192 p.
photo : Carole Fives © Francesca Mantovani