Guernica 1937 d’Alain Vircondelet publié chez Flammarion nous plonge dans l’intimité de Picasso et de «l’Adorée Dora».
De Picasso nous connaissons les œuvres et le caractère fantasque. En revanche nous connaissons moins celles qui, souvent restées dans l’ombre, furent les témoins de ce génie du XXème siècle. Parmi elles, Dora Maar. Dora est une jeune femme au caractère bien trempé. Férue de photographie, elle fut aussi la maîtresse de l’écrivain George Bataille avec lequel elle assiste à des soirées sadomasochistes. Bien que peu encline aux penchants de Bataille, elle photographie des scènes lors de ces nuits-là.
Picasso est lui aussi un homme aux mœurs légères, fréquentant tout le milieu des surréalistes parisiens avec lesquels il n’est pas rare d’échanger les amantes. Nous y croisons par exemple Breton, Eluard et la célèbre Nush. Lorsqu’il rencontre Dora aux Deux-Magots, l’artiste espagnol est séduit par ses manières et sa force. L’idylle n’est pas soudaine mais prend forme peu à peu.
Se faire une place auprès du maître
Exister auprès de Picasso n’est pas chose mince. D’abord il y a sa vie d’artiste, puis son passé avec ses autres femmes dont la plus présente est Marie-Thérèse qui vient de lui donner une fille, Maya. Il sera difficile pour Dora de prendre ses marques mais cela sera possible grâce à un évènement et plus encore grâce à une œuvre connue dans le monde entier : Guernica.
Picasso est fortement marqué par ce massacre perpétré dans son pays. Il veut en représenter l’horreur et mieux encore représenter l’anéantissement humain « qu’on dise en voyant le tableau que ce qui y est montré, c’est l’universel malheur des hommes, l’universelle douleur et l’éternelle terreur qui est exercé sur les innocents. » Dora restera à ses côtés tout au long de la réalisation de la toile, prenant des photos, étant le témoin silencieux de l’avancée du travail de Picasso. Cette peinture devient le lieu de leur complicité et de leur désir. Mais qu’en sera-t-il une fois la toile finie ? Dora aura-t-elle toujours sa place auprès du maître qui ne supporte ni plainte, ni atermoiement ? Et Dora acceptera-t-elle de rester l’invisible amoureuse ?
Alain Vircondelet retrace à la fois l’histoire d’une toile atemporelle et l’histoire d’un amour complexe qui nous donne des clés sur l’œuvre de Picasso et encore plus sur l’homme. Le roman se lit comme un précieux document qui relate une époque entre deux mondes.
Sylvie V.
Alain Vircondelet, Guernica 1937, Flammarion, 220 p.
Photo : Alain Vircondelet © Astrid di Crollalanza