Cette belle production était déjà connue des toulousains (2012) ; la reprise représente une très belle fin de saison au Capitole. Le dispositif scénique très habile permet de passer des scènes de représentation avec un grand gradin de profil, à plus d’intimité par des pans mobiles qui délimitent des espaces plus intimes lors des moments le réclamant. Le jeu d’acteur est noble et plutôt vivant. Le chœur a également une belle présence. L’intelligence de la mise en scène, son respect des exigences du genre séria, son mélange de l’antique avec le XVIII ème siècle grâce aux costumes est une très belle réalisation qui garde toujours une suprême élégance.
Sublime et théâtralité en parfaite harmonie
L’action de cet opéra est un peu lente à se construire mais le parallèle entre la montée de la tension dramatique et l’évolution vers toujours plus de splendeurs dans la partition de Mozart est une chose qui ne se dit pas assez. Dans cette mise en scène, la montée en puissance du drame, où la mort est partout aux aguets, la beauté des divers airs est extraordinaire avec les instruments obligés pour Sesto et Vitellia. Ce soir dans la fosse les meilleurs bois sont présents avec tout particulièrement la si subtile clarinette de David Minetti. Vraiment cette double montée d’émotion entre le drame et le sublime de la musique fait grande impression sur le public dont la concentration reste entière jusqu’à la fin de l’opéra.
Le chef d’œuvre mozartien est servi comme il se doit ce soir. Les interprètes sont tous remarquables. Le Titus de Jeremy Ovenden est parfait. Empereur digne et humain au jeu sensible et à la voix admirablement conduite avec un timbre clair et souverain. Un très grand Titus, figure alliant jeu marquant et chant suprême. Le Sesto de Rachel Frenkel est tout aussi idéal avec un jeu émouvant et un panache vocal teinté de mélancolie qui fait merveille. J’irai jusqu’à évoquer par la beauté du timbre et l’engagement le Sesto de Teresa Berganza.
Rachel Frenkel est une artiste complète dont le chant et le jeu en une alliance profonde offrent de très beaux moments d’émotion. La Vitellia d’Inga Kalna est très impressionnante vocalement. Elle maitrise la terrible tessiture et la puissance est assez considérable. Je jeu est plus extérieur et ce personnage complexe semble ici un peu trop superficiel dans ces changements d’humeur. L’actrice est un peu en deçà de celui de ses deux partenaires. Pour les rôles plus en retrait Mozart a écrit des airs remarquables et Julie Boulianne en Annio sait transmettre une belle émotion dans ces airs et son jeu très engagé face à Sesto. Sabina Puertolas en Servilia a dans le jeu une candeur et une noblesse incroyable. Mais la voix plus corsée que d’habitude, si elle donne du caractère au rôle, manque de la pureté nécessaire. Le Publio d’Aimery Lefèvre a une belle présence scénique mais la voix semble projetée avec effort et artifice manquant de naturel. Comme à son habitude le chœur du Capitole est magnifique.
Dans la fosse, nous l’avons déjà signalé, les instrumentiste sont superbes. Les bois mais aussi les cordes. Les cordes sont non métalliques et ont une lumière particulière. La direction d’Attilio Cremonesi est remarquable d’équilibre entre noblesse de ton et drame. Le lien fosse-scène est renforcé par la proximité de la fosse très haute. Le chef est présent partout et soutient les chanteurs à la perfection. La partition est limpide et tout avance avec facilité. Sa direction permet à la partition si riche de Mozart de briller particulièrement. Le public a fait un aussi grand triomphe aux chanteurs qu’aux musiciens et au chef.
Compte-rendu, opéra. Toulouse. Théâtre du Capitole, le 22 juin 2018. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : La Clémence de de Titus, Opera seria en deux actes sur un livret de Caterino Mazzolà d’après Metastase créé le 6 septembre 1791 au Théâtre national de Prague. Production du Théâtre du Capitole. Création en coproduction avec le Festival d’Aix-en-Provence et l’Opéra de Marseille (2011). David Mc Vicar, mise en scène réalisée par Marie Lambert. David Mc Vicar, scénographie. Jenny Tiramani, costumes. Jennifer Tipton, lumières. Bettina Neuhaus, décoratrice associée. Avec : Jeremy Ovenden, Tito. Inga Kalna, Vitellia. Rachel Frenkel, Sesto. Sabina Puértolas, Servilia. Julie Boulianne, Annio. Aimery Lefèvre, Publio. Chœur du Capitole ; Alfonso Caiani, direction. Orchestre National du Capitole. Attilio Cremonesi, direction musicale.
Illustrations : © P. Nin
Hubert Stoecklin pour classiquenews.com