Nouvelle production du Théâtre du Capitole signée Stefano Vizioli, « le Prophète » de Meyerbeer est dirigé à Toulouse par Claus Peter Flor, avec le ténor John Osborn et la mezzo-soprano Kate Aldrich.
Genre typiquement français, le grand opéra empoigne des sujets historiques nécessitant moult décors et costumes. Il est apparu en 1828 avec « la Muette de Portici » de Daniel-François-Esprit Auber, puis l’année suivante avec le « Guillaume Tell » de Gioacchino Rossini. Giacomo Meyerbeer est le plus fameux représentant du genre, imposant un style – dont Giuseppe Verdi et Richard Wagner s’inspireront – et récoltant des succès avec « Robert le Diable » en 1831, « les Huguenots » en 1836 et « l’Africaine ». Véritable monument, « le Prophète » marque l’apogée de l’inspiration du compositeur. L’ouvrage est doté d’un livret basé sur une partie de l’ »Essai sur les mœurs et l’esprit des nations », de Voltaire, qui s’inspire de l’épisode de la révolution des anabaptistes de Westphalie menée au XVIe siècle par le protestant Jan Bockelson, dit Jean de Leyde. D’autres ouvrages sont exploités par le librettiste Eugène Scribe, notamment les « Mémoires de Luther » de l’historien Jules Michelet, où un chapitre est consacré aux anabaptistes et à Jean de Leyde. Adaptant pour la scène le récit du parcours de ce jeune religieux charismatique qui fait vibrer le peuple en s’autoproclamant «Roi de Sion» tout en prônant l’abolition de la propriété et de l’usage de l’argent, Eugène Scribe réactive un enseignement inoxydable : le peuple devrait se méfier des libérateurs du genre humain.
Immense succès dès sa création en français en 1849, à l’Opéra de Paris puis dans toute l’Europe et jusqu’à La Nouvelle-Orléans, « le Prophète » se prête aux mises en scène spectaculaires. C’est ainsi que lors de la première représentation, le lever de soleil du troisième acte fut prétexte à l’utilisation de la lumière électrique pour la toute première fois sur une scène de théâtre. En clôture de la saison du Théâtre du Capitole, une nouvelle production de cet ouvrage est signée par le metteur en scène Stefano Vizioli, à qui l’opéra toulousain confia en 2014 « les Deux Foscari », de Verdi. Dans la distribution, deux chanteurs américains interprètent les rôles principaux : le ténor John Osborn et la mezzo-soprano Kate Aldrich. Nécessitant la présence de plus de deux cents artistes sur scène (81 musiciens, 7 chanteurs, 94 choristes dont 24 enfants de la maîtrise, 10 danseurs et 10 figurants), « le Prophète » est dirigé par Claus Peter Flor (photo). Grand familier de l’Orchestre du Capitole, le maestro allemand s’est déjà illustré à maintes reprises ici, notamment dans « la Flûte enchantée », « Madame Butterfly », « Hänsel et Gretel », « Tristan et Isolde » ou « Faust ».
Selon Claus Peter Flor, «Meyerbeer est plus un Européen qu’un Allemand. Son installation à Paris sera ensuite décisive, et Meyerbeer va montrer, avec « le Prophète », qu’il sait nettement répondre aux attentes du public français. Il a ce don pour trouver les bons sujets, et même cette histoire d’anabaptistes vieille de trois cents ans, correspond exactement à ce que le public parisien attendait. Meyerbeer était au bon moment, au bon endroit. Dans son traitement des solistes, du chœur, comme de l’orchestre, je dois reconnaître qu’il n’y a rien véritablement d’allemand. Un élément très nouveau est notamment que le rôle féminin principal soit confié à un alto dramatique et non à une soprano. Par ailleurs, l’orchestration révèle des influences italiennes, tout en sollicitant les timbres des bois d’une manière très française. Enfin, ce qui est également très nouveau, c’est la place donnée à l’orchestre dans ce drame».
Pour Claus Peter Flor, «le genre du grand opéra implique, d’un point de vue musicologique, la structure en cinq actes et l’importance du ballet. Mais en réalité, c’est beaucoup plus. Dans la France de l’époque, il ne se passait pas une semaine sans révolution politique, économique ou technique. Si bien que le grand opéra était un peu le baromètre avec lequel on appréciait les constantes évolutions. Un exemple frappant est celui de l’arrivée de l’électricité, élément que Meyerbeer incorpore, parmi d’autres innovations, dans ses opéras», rappelle le chef.
« »Le Prophète » n’est en aucun cas, pour moi, un sujet d’extrémisme religieux. Nous devons avoir à l’esprit de manière claire ce mouvement des anabaptistes en rébellion contre l’ancien ordre catholique. Ceci est certes présent dans l’œuvre, mais seulement comme un arrière-fond. C’est le titre lui-même de l’opéra qui nous donne la réponse, même si l’on devrait plutôt parler de “faux prophète”. En période d’instabilité politique et sociale, période de perte d’identité, les gens ont toujours été prêts à suivre celui qui se propose comme un sauveur. Cela n’a rien de nouveau aujourd’hui encore, lorsque nous observons ces manifestations dans notre société. Mais ce n’est pas tant la religion qui suscite la violence, ce sont les personnes elles-mêmes, chaque mot écrit – et même la musique si l’on pense à son utilisation sous l’Allemagne nazie – peut être utilisé et donner du pouvoir, cela jusque dans les rapports entre Jean et sa mère, élément qui me semble être le véritable moteur de cette action. En fait nous allons plutôt représenter un spectacle qui pourrait s’appeler “Contre le faux Prophète”!», assure Claus Peter Flor dans un entretien publié par le Théâtre du Capitole. Après cette performance, le maestro ouvrira dès septembre la nouvelle saison lyrique toulousaine avec « Tiefland », d’Eugen d’Albert.
Jérôme Gac
Du 23 juin au 2 juillet,
au Théâtre du Capitole,
place du Capitole, Toulouse.
Tél. : 05 61 63 13 13
Rencontre avant la représentation, 19h00.
Rencontre, jeudi 22 juin, 18h00,
au Théâtre du Capitole (entrée libre).