Tragédie intime
Attention, le film sous rubrique est fortement déconseillé aux moins de 12 ans ! C’est le premier long de ce cinéaste belge peu connu qui s’aventure ici dans un thriller qui prend, petit à petit, des allures en même temps que la puissance des grandes tragédies, fussent-elles de l’intime. Signant également le scénario, ce réalisateur nous conduit dans les glauques méandres du trafic d’hormones destinées au bétail. Nous sommes en Belgique, entre pays flamand et wallon. Jacky, éleveur de son état, a mis les mains dans ce trafic rémunérateur consistant à doper chimiquement les bestiaux afin de leur faire prendre à toute vitesse du poids. Un meurtre vient mettre son grain de sable dans ce rouage infernal. Jacky hésite à continuer. Difficile de faire demi-tour cependant. D’autant que Jacky supporte le poids d’un profond traumatisme. Vivant seul une existence asociale, il est devenu, à force de s’injecter les mêmes drogues qu’à ses bœufs, un colosse dont le doux regard ne peut que partiellement cacher une blessure profonde. Une seule lumière dans son univers corrompu et sordide : Lucia, une jeune fille dont il rêve depuis sa plus tendre enfance. Leur ultime et impossible rencontre tiendra plus d’une version trash de la Belle et la Bête que d’une bluette aux accents campagnards. Sidérante de précision, la mise en scène fait la part belle, et comment en serait-il autrement, à Matthias Schoenaerts, Jacky incroyable de puissance physique (il a pris 27 kilos de muscle pour le tournage !). Ce comédien de 34 ans, né à Anvers, est littéralement soufflant. Tout en rage et en douleurs, il porte le film sur ses – larges – épaules et nous entraîne inexorablement dans sa propre course à l’abîme avec une force qui nous laisse pantelant sur notre fauteuil. Un film coup de poing ! A ne rater sous aucun prétexte.
Robert Pénavayre