Ils lisent devant un décor qui n’en est pas un, mur gris seulement percé de deux sorties de secours. Ils lisent parce que le mur a affiché « lire ». Ils cherchent dans leur livre parce que le mur a affiché « lire la phrase la plus importante ». Puis ils écrivent au mur, mot à mot, chaque livre devenant une lettre d’une phrase d’un livre.
Corps lisant, corps chantant… décor mouvant. Un peu à cour, un peu à jardin, le mur se meut, entraînant le déséquilibre des corps. Mur décor qui s’approche du quatrième mur, dévorant les corps. Il faudra repousser le mur, décor à corps.
Alors le décor prends corps, à leur corps défendant. Décor acteur parmi les corps figés des acteurs devenus décors. Il tourne sur lui-même, se plie, se déplie, se déploie, se replie. Crée une faille qu’un corps explore ; on redoute la chute du corps. Crée une faille qui se referme sur un corps qui va aller dans le décor. Disparaître.
Et l’envers du décor devient décor. L’envers du mur est un mur d’escalade. Ou une bibliothèque remplie de livres blancs. Un livre tombe. Un imprévu livre vivant. Livre qui plie les corps à sa guise, sens dessus dessous.
Et le décor tourne sans fin comme tournaient les portes du château de Barbe-Bleue.
Angoisse de la toile blanche, des lampes lucioles inquiétantes du Prisonnier. Celles-ci laissent les traces fluorescentes, rais de vie, vies bientôt rayées.
Il n’y a plus de corps, devenus sans objet. Juste un robot à écrire. Un robot à faire apparaître des E. Errer, écrire, réécrire. Cri… des corps.
TNT, 14 décembre 2016
Une chronique de Una Furtiva Lagrima.