Chronique concert : Orange ; Chorégies 2016, Théâtre Antique, le 16 Juillet 2016 : Giuseppe Verdi (1813-1901) : Messa da Requiem ; Chœur de l’Orfeón Donostiarra, chef de choeur : José Antonio Sainz Alfaro ; Orchestre National du Capitole de Toulouse ; Direction musicale, Tugan Sokhiev.
Les Chorégies 2016 ont programmé une magnifique interprétation théâtrale et émouvante du si beau Requiem de Verdi.
A deux soirs de la tuerie de Nice ce Requiem a été dédié aux victimes voisines mais il avait d’abord été question d’annuler ce concert. La vie reste notre bien le plus précieux, la culture le clame très fort et tout concert annulé est une victoire pour les oppresseurs de la vie libre. Ce concert a été débuté dans un immense recueillement. L’acoustique inouïe du Théâtre Antique est bien connue de Tugan Sokhiev aussi a-t-il pu obtenir des sonorités évanescentes des cordes et un chant pianissimo du magnifique Orfeón Donostiarra dans les premières mesures. L’apparition des images de la voie lactée sur l’immense mur a proposé un voyage dans l’imaginaire si riche du dessinateur et scénariste de bande dessinée Philippe Druillet. Ses dessins ont été projetés et animés sur les reliefs du mur du Théâtre antique. Les différentes œuvres, telles “Nosferatu” et “Lone Sloane”, ont ainsi accompagné le récit du si spectaculaire Requiem de Verdi. Pour certains la distraction engendrée par la beauté si particulière des dessins, leur violence et leurs couleurs si envahissantes a nuit à l’émotion musicale. Concert et spectacle à la fois il est dommage d’avoir eu à choisir entre les projections sur le mur et la vision d’artistes engagés et tout particulièrement la direction à main nues d’une grande beauté de Tugan Sokhiev. France 3 offrira le 27 Juillet ainsi que Culture Box le film qui en a été réalisé en une solution hybride que nous souhaitons plus satisfaisante.
Musicalement le théâtre verdien contenu dans cette Missa da Requiem a été porté à son apogée par la direction magistrale de Tugan Sokhiev. L’Orfeón Donostiarra est un chœur d’une ductilité totale et d’une beauté confondante du pianissimo le plus infime au forte le plus spectaculaire du Tuba Mirum. Le RRR roulé des basses dans le Rex tremendae Majestatis précédant le chant est un exemple de cette terrible théâtralité. Le dosage parfait des nuances poussées à leur maximum a été de bout en bout un fil rouge de l’interprétation. Les couleurs ont également été d’une grande richesse dans le chœur comme l’orchestre. Chaque tempo choisi a été habité et a semblé évident. Le chœur et l’orchestre ont été ainsi modelés à main nue, par un chef inspiré dans des phrasés amples et généreux. Cuivres brillants, cordes soyeuses ou victorieuses, bois d’une grande délicatesse chaque pupitre a brillé, jusqu’aux timbales et grosse caisse ! L’orchestre du Capitole si riche en couleurs peut les exalter dans cette acoustique chatoyante.
Le ténor maltais Joseph Calleja et le chef Tugan Sokhiev sont les deux stars de la soirée
Les solistes ont eu pour certains du mal à habiter aussi bien leurs parties. La soprano italienne Erika Grimaldi, venue en remplacement in extremis, ne bénéfice pas d’une voix idéale pour cette terrible partie. Le timbre assez ingrat est affublé d’un large vibrato. La voix n’est pas homogène et les graves ont été trop sourds. Dans le Libera me final c’est son engagement qui lui a permis le succès public. La mezzo soprano Ekaterina Gubanova a un timbre agréable et a su nuancer ses interventions avec art. Tout particulièrement le début du Lacrymosa très émouvant. La Basse Vitalij Kowaljow a été le seul à délivrer un texte parfaitement compréhensible. Avec aplomb il a tenu parfaitement sa partie d’une voix très homogène et agréable jusque dans les emportements terribles.
C’est Joseph Calleja, ténor extrêmement attachant, qui a su trouver appui sur les vastes phrases proposées par Tugan Sokhiev, les habitant toutes jusqu’au fond. Engagé, concentré et d’une voix très touchante il a su rejoindre l’orchestre et le choeur dans une émotion musicale poignante. La beauté du timbre, sa clarté ont fait merveille tout du long et son Ingemisco a été un moment de pure grâce, la manière dont il aborde Hostias également.
Les Chorégies 2016 ont programmé une magnifique interprétation théâtrale et émouvante du si beau Requiem de Verdi. L’Orfeón Donostiarra et l’Orchestre du Capitole n’ont fait qu’un avec la direction de Tugan Sokhiev. Cette musique si forte est apte à accompagner la tristesse de notre époque dans les attaques faites à notre mode de vie tout en mobilisant notre désir de vie et d’accès à la beauté.
Hubert Stoecklin
Visuels : © Kris Picart
Orange ; Chorégies 2016, Théâtre Antique, le 16 Juillet 2016 : Giuseppe Verdi (1813-1901) : Messa da Requiem ; Solistes : Erika Grimaldi, soprano ; Ekaterina Gubanova, mezzo-soprano ; Joseph Calleja, ténor ; Vitalij Kowaljow, basse ; Chœur de l’Orfeón Donostiarra, chef de choeur : José Antonio Sainz Alfaro ; Orchestre National du Capitole de Toulouse ; Direction musicale, Tugan Sokhiev.