Certes la vie musicale toulousaine est riche et il ne m’est pas possible d’aller aussi souvent que je le souhaiterai écouter les concerts. Et je ne parle que des concerts de musique classique ! En vouloir de plus rendre compte dans des chroniques qui se veulent expression d’un gout et d’une sensibilité propre, le pari est grand. Il est des échanges à l’entracte ou après le concert qui permettent d’équilibrer la sensibilité personnelle et la distanciation nécessaire au compte rendu. Parmi les amis ou collègues avec qui les échanges son fructueux il en est un qui me manque terriblement. Esprit généreux et intransigeant que de fois nous n’avons pas été d’accord mais que de fois ces échanges passionnés m’ont apporté sur la connaissance de la musique, des musiciens et de moi…
Gil Pressnitzer je l’ai connu au concert et par une amie commune au Sylène, son QG du samedi matin. Il m’a fait l’amitié de me demander d’écrire pour son site inclassable et irremplaçable: Espritsnomades. La vie est ainsi faite qu’elle me pousse à toujours remettre à demain certains projets. Si Peter Grimes a pu nous réunir j’avais toujours l’idée d’y revenir… de même j’avais prévu après une année de trop peu de disponibilité de le retrouver à la rentrée musicale de cette années avec bien plus de régularité…. Las la vie en a décidé autrement, et avec une brutalité traumatique il nous a quitté sans au revoir ou adieu sans pouvoir lui dire tant de choses aussi , sur une transmission qui se faisait sans se savoir.
Gil ne m’agacera plus avec sa mauvaise foi, ses idéaux inatteignables dans les interprétations toujours perfectibles, son Mahler déifié, sa moquerie pour les programmes trop faciles et répétitifs, l’évolution de la musique vers le consumérisme mais il avait tant écouté, tant vu et tant aimé d’artistes immenses… sur scène ou au disque. Disques qu’il donnait généreusement presque à chaque rencontre…
Il avait aussi été un grand organisateur de soirées musicales inoubliables. Cela c’est une histoire que je n’ai pas partagé et d’autres sauront en parler. Je n’ en ai eu que des bribes mais quelles bribes, une d’entre elle m’a suivie depuis qu’il m’en avait parlé. Je trouvais que la musique pour quatuor à cordes était bien trop rare et difficile d’accès au concert tout particulièrement. En rentrant d ‘un été à Prades je lui disais combien j’avais adoré ces soirées et après midi de musique de chambre et tout particulièrement de quatuors. Alors Mozart, Haydn, Beethoven et les romantiques m’enchantaient avant tout. Avec discrétion et un air mutin il m’a dit » dommage que tu n’ai pas été des notre lorsque j’ai fait saison après saison l’intégrale des quatuors de Beethoven puis de Chostakovitch à la Salle Nougaro »… . Oui trop jeune j ‘ étais …. mais cette parole a ressurgit à sa mort. Et c’est une prise de conscience d’une transmission qui a fait son chemin… Les quatuors de Chostakovitch…. grâce à Tugan Sokhiev l’œuvre symphonique et concertante du compositeur russe me passionnait , mais les quatuors où les écouter ?
De passage enfin à la philharmonie de Paris pour un concert mémorable de « notre » Orchestre et » notre » chef, le programme me saisit au retour dans l’avion! Il existe une biennale du quatuor à cordes à Paris et cette année intégrale des quatuors de Chostakovitch comme fil rouge… Le temps de m’organiser et j’ai vécu l’expérience musicale la plus troublante depuis longtemps . En quatre jours 7 concerts ! Dont quatre chroniques de concerts de quatuors à cordes ! Et en moi l’idée que je devais cela à Gil. Oui… à Gil ….
Afin de l’en remercier je lui dédie ces articles publiés sur Classiquenews et que je met en ligne sur culture 31 avec des photos que j’ai réalisées.
Au revoir Gil mais pas adieu car je garde quelque chose de nos échanges très vivant en moi…. Il me (et nous) manque toutefois ta voix et ta plume de poète de l’absolu.
Hubert Stoecklin
A la VII ième Biennale du quatuor à cordes de Paris : quatre chroniques de concerts en hommage à Gil